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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/186

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même le remercier. Ainsi l’empereur ayant voulu la promotion de Czaki, archevêque de Colveza et évêque de Varadin, et sans nomination aucune de sa part, ce prélat fut déclaré cardinal aussitôt, malgré tant de paroles données du premier chapeau à Gesvres, archevêque de Bourges, qui languissoit après depuis si longtemps, et que le pape amusa encore de discours pathétiques.

Une autre affaire embarrassa davantage le pape. Il eut avis que Peterborough, se promenant en Italie, avoit de mauvais desseins sur la vie du Prétendant. Il le fit arrêter et garder étroitement dans le fort Urbin. Peterborough étoit comte d’Angleterre, pair du royaume, chevalier de la Jarretière. Les Anglois prirent feu sur cet affront, et le roi d’Angleterre éclata en menaces de bombarder Civita-Vecchia. Le duc de Parme s’entremit. Le pape eut grand’peur, fit force compliments à Peterborough, le mit en liberté, et l’orage se dissipa. Le duc de Parme étoit encore bien plus alarmé pour lui-même : il comptoit sur l’indignation de l’empereur qui ne demanderoit qu’un prétexte pour l’accabler. La proposition d’assurer à un fils de la reine d’Espagne la succession de Toscane, de Parme et de Plaisance lui faisoit déjà voir une garnison impériale dans ces deux places, et se croire perdu sous le joug des Allemands. Il eut recours au cardinal Albéroni, et conseilla au roi d’Espagne de s’armer au commencement de l’hiver, et avec éclat, pour tenir les Allemands en crainte.

Cellamare donnoit les mêmes conseils, surtout depuis la prise de Cagliari. Le pape étoit dans les mêmes frayeurs. Il souhaitoit ardemment la neutralité de l’Italie ; il ne l’espéroit que de l’établissement de la paix entre l’empereur et l’Espagne. Il ordonna à son nonce à Paris de presser le régent d’agir pour la procurer, mais par insinuations seulement, tant il redoutoit de choquer la cour de Vienne, et d’entretenir sur cette affaire une correspondance exacte avec son nonce à Madrid.