Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/213

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voulu traiter secrètement, il n’eût fait que suivre l’exemple du roi d’Angleterre ; il fit avertir que le comte de La Mark s’étoit rendu suspect au roi de Suède, en traitant avec trop de chaleur pour les intérêts de la maison d’Hanovre, et qu’il eût mieux réussi s’il eût commencé à traiter sa paix à lui. Il demanda même qu’en vertu des obligations secrètes, la France cessât de payer des subsides à la Suède. Il représentoit le danger de l’agrandissement de l’empereur, et des alliances qu’il contractoit dans l’empire, celle surtout avec la maison de Saxe. Il offroit de prendre des mesures contre cette énorme supériorité de l’empereur, la nécessité d’y faire entrer la Suède, et pour cela celle de sa paix avec lui, parce qu’il protestoit qu’il ne pouvoit rien faire tant qu’il seroit occupé de la guerre du nord. On voyoit ainsi le caractère du roi de Prusse, qui étoit tremblant devant l’empereur, bien éloigné d’oser rien entreprendre qui lui pût déplaire, et qui, parlant à la France, déclamoit et proposoit tout contre lui.

Cellamare, par d’autres motifs, fit à peu près les mêmes représentations au régent. Il le pressa d’agir de concert avec l’Angleterre, pour mettre un frein à l’ambition des Impériaux. Il se flatta de mettre l’abbé Dubois, arrivant de Londres, dans ses intérêts là-dessus. Il vouloit persuader que la France, pour trop désirer de conserver la paix, se verroit entraînée à la guerre. S’il trouva l’abbé trop dévoué au ministère d’Angleterre pour le persuader, il gagna du moins à acquérir assez de lumières dans une longue conversation qu’il eut avec lui, pour les communiquer à Madrid, par un courrier exprès. Il voulut voir si les sentiments étoient uniformes entre les principaux du gouvernement. Il mit le maréchal d’Huxelles sur la matière du traité, le contredit, l’opiniâtra exprès, et en tira qu’il ne s’éloignoit point des sentiments de l’abbé Dubois. Le maréchal convint de la nécessité de borner l’ambition et l’orgueil des Allemands ; mais il soutint que la France et l’Espagne unies, mais seules ensemble, n’étoient pas bastantes pour arrêter les entreprises