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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/22

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étoit trop abattue pour faire ombrage à la Russie. D’ailleurs le czar, qui avoit beaucoup de grand, n’avoit pu refuser son estime au roi de Suède. Content de l’avoir réduit dans l’état où il se trouvoit, il ne vouloit pas l’accabler, mais il cherchoit, au contraire, à s’en faire un ami. Il ne vouloit pas moins conserver ses conquêtes. Ce but s’accordoit parfaitement avec sa haine pour le roi d’Angleterre, et avec son mécontentement du Danemark. Il cherchoit donc les moyens de les obliger à restituer ce qu’ils avoient pris ou usurpé sur la Suède, à s’en faire un mérite auprès d’elle, en conservant ce qu’il lui avoit pris. Mais il trouva l’Angleterre si absolue dans le cabinet du régent, qu’il perdit bientôt toute espérance de faire restituer par aucun moyen Brême et Verden enlevés à la Suède en pleine paix par les Hanovriens, dans les temps les plus calamiteux de la Suède.

Le czar avoit un autre embarras avec l’empereur, qui l’obligeoit à le ménager. Le czarowitz, dont la tragique histoire est entre les mains de tout le monde, s’étoit sauvé de Russie pendant l’absence du czar, et s’étoit réfugié à Vienne. L’empereur l’avoit promptement fait passer à Naples, où il n’avoit pu être si bien caché que le czar n’en fût informé. Il demandoit à l’empereur de le lui remettre entre les mains. Quoique l’empereur n’eût pas lieu de s’intéresser beaucoup au sort d’un prince qui, ayant épousé la sœur de l’impératrice sa femme, l’avoit tuée, grosse, d’un coup de pied dans le ventre, sans autre cause que sa férocité, l’empereur ne laissoit pas de faire beaucoup de difficultés de rendre un prince qui s’étoit jeté entre ses bras, comme dans son unique asile, à un père aussi irrité qu’étoit le czar, qui adoroit la czarine, belle-mère de ce prince, et qui en avoit un fils qu’il préféroit à cet aîné fugitif pour lui succéder. Le roi de Prusse, de son côté, se plaignoit, dans la défiance qu’il avoit de ses alliés, que la France ne pressoit pas assez la paix entre la Suède et lui, et menaçoit que, si elle n’étoit faite avant la fin de la guerre de Hongrie, la ligue du nord se jetteroit entre