Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

En même temps le roi de Danemark s’inquiétoit de ce qu’on ne parloit point d’attaquer la Suède ; il craignoit d’en être attaqué lui-même en Norvège. Il demandoit au czar une diversion qui l’en mît à l’abri. Le czar, peu content de ce prince, éluda ses demandes. Il répondit qu’il n’étoit pas en état de rien entreprendre contre la Suède sans le secours de vaisseaux que l’Angleterre et le Danemark lui avoient promis ; que d’ailleurs le roi d’Angleterre étoit seul, et sans lui assez puissant pour garantir les États du roi de Danemark d’une invasion des Suédois, et lui procurer ’une paix avantageuse. Les Danois, qui entendirent bien la signification de cette réponse, étoient, ainsi que les envoyés de Pologne, extrêmement inquiets de ce que le czar traitoit avec le régent. Ils se relayoient autour de ce monarque, et se communiquoient tout ce qu’ils pouvoient apprendre. Il partit enfin de Paris sans qu’ils fussent éclaircis de rien. Mais Schaffirof, qui y demeura quelques jours après lui, confia sous le dernier secret à un des agents du roi de Pologne tout ce qui s’étoit passé dans la négociation avec la France, et que le traité auroit été conclu si l’envoyé de Prusse n’en eût pas arrêté la signature. Il ajouta que le principal but du czar, en prenant avec la France des engagements apparents, qui dans le fond ne l’obligeoient à rien, avoit été de brouiller la France avec la Suède ; qu’une convention vague d’assistance générale étoit si aisée à éluder qu’il étoit persuadé qu’elle ne pouvoit blesser l’empereur, qui en sentiroit aisément le peu de solidité ; que sur ce fondement ils en presseroient la conclusion ; et s’ouvrant tout à fait, il avoua qu’il la désiroit par l’espérance des présents aux ministres qui font la signature, et se plaignit amèrement du mauvais procédé de la cour de Berlin qui l’avoit retardée, et qu’il dit être connue de tout le monde pour être légère, et sans principes ni suite dans ses résolutions.

Schaffirof ne disoit pas tout. La Suède, bien moins que l’Angleterre, avoit été la pierre d’achoppement. La Suède