Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/225

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et moins enragé, ne put se contenter de parler au pape des choses de France ; il voulut lui donner ses conseils sur l’événement de la nonciature de Naples, et après l’avoir si souvent et si fortement importuné de faire une ligue étroite avec l’empereur pour se soumettre la France, il le pressa de chercher à borner l’insupportable ambition et puissance de l’empereur, qui vouloit mettre toute l’Europe aux fers. Son jugement parut également en ces deux conseils si contradictoires. Il pressa le pape de former une ligue avec l’Espagne, le roi de Sicile et les Vénitiens également intéressés à diminuer la puissance de l’empereur. Il lui recommanda le secret et la diligence, lui dit que les hérétiques s’armoient contre lui, tandis que ses enfants l’insultoient. Il chercha à l’effrayer de l’escadre que l’Angleterre armoit.

Don Alexandre, frère du cardinal Albane, passoit pour l’espion secret des Espagnols dans l’intérieur du pape son oncle, et pour avoir reçu d’eux quinze mille pistoles à la fois, sans compter d’autres grâces. Le pape mécontentoit tous les princes, n’en ramenoit pas un, n’avoit encore terminé, aucun de tous les différends nés sous son pontificat. Il sembloit éloigner tout accommodement sitôt qu’il étoit proposé ; la France et l’Espagne en fournissoient continuellement des exemples. Il refusa les bulles de Séville à Albéroni. Acquaviva, qui haïssait personnellement Giudice, l’accusa d’y fortifier le pape, qui faisoit valoir la prompte expédition des bulles de Malaga, qui lui avoit attiré les reproches de faire des grâces à qui méritoit des châtiments. Il assuroit qu’il essuieroit bien pis, s’il accordoit les bulles de Séville dans un temps où les soupçons de l’empereur étoient sans bornes, et où il ne cherchoit que des prétextes d’opprimer les terres de l’Église. Il trembloit de se voir enlever l’État de Ferrare. Il imputoit tousses malheurs à la promotion d’Albéroni, et à sa facilité pour l’Espagne, et se plaignoit amèrement que le roi d’Espagne ni ses ministres n’eussent seulement pas pris l’absolution de tant d’entreprises faites