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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/227

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d’Albéroni auprès des ministres étrangers à Madrid, il alla trouver del Maro, et raisonnant avec lui sur les préparatifs qui faisoient alors la matière de toutes les conversations, il lui fit entendre que le dessein étoit de faire passer le printemps prochain quarante mille hommes en Italie, pour attaquer le royaume de Naples, et que si le roi de Sicile vouloit s’unir au roi d’Espagne pour attaquer le Milanois en même temps, ils chasseroient infailliblement les Allemands de l’Italie. L’ambassadeur de Hollande étoit connu pour trop partial pour persuader celui de Sicile. D’autres soupçons tomboient encore sur lui. Bubb, résident d’Angleterre, s’étoit adressé à Riperda pour engager Albéroni à recevoir du roi d’Angleterre une gratification très considérable. Riperda s’étoit chargé de la commission, à condition que Bubb n’en parleroit jamais directement ni indirectement au cardinal. La somme avoit été remise entre les mains de Riperda, mais loin qu’Albéroni en donnât quelques marques indirectes de reconnoissance, il avoit, en différentes occasions, et d’un air assez naturel, traité d’infâmes les ministres qui recevoient de l’argent des princes étrangers. Ainsi Riperda, suspect au peu de gens qui surent cette aventure secrète, n’étoit guère propre à les persuader. Mais qui pouvoit répondre qu’Albéroni ne fût pas assez fourbe pour avoir su profiter de l’argent sans y laisser de sa réputation, et sans être tenu de reconnoissance, et que Riperda, trop enfourné avec lui, et mal dans son pays où il ne vouloit pas retourner, n’en ait été la dupe, et forcé de se laisser affubler du soupçon d’avoir profité de l’argent ?

On doutoit alors de la vie du roi d’Espagne, quelque soin qu’Albéroni prit de publier le rétablissement parfoit de sa santé. Ses anciennes vapeurs le reprirent sur la fin de décembre, et lui causèrent des faiblesses. On sut que sa tète étoit ébranlée au point de ne pouvoir ranger un discours ; en sorte que, supposé qu’il vécût, il seroit incapable de gouverner, et que toute l’autorité demeureroit au cardinal