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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/230

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des négociations, pour arrêter l’ambition de la cour de Vienne, sur laquelle il ne ménageoit pas les expressions.

Les mesures qu’il prenoit consistoient à faire payer les troupes exactement, à fournir abondamment l’argent pour les recrues, les remontes, les habits, les armes, l’approvisionnement des places, les magasins ; quatre fonderies pour des canons de bronze. On en fabriquoit en même temps de fer, des fusils et toutes sortes d’armes, six vaisseaux de ligne au Passage, que les constructeurs s’obligèrent à livrer tout prêts en avril 1719, en attendant une remise envoyée en Hollande de quatre cent mille piastres pour acheter six navires. Les seuls revenus du roi d’Espagne suffisoient à ces dépenses sans recourir à aucune voie extraordinaire. Albéroni se faisoit honneur d’avoir connu que le malheur de l’Espagne venoit d’avoir jusqu’alors dépensé prodiguement en choses inutiles, et de manquer de tout pour les nécessaires. Il s’épuisoit sur ses propres louanges ; disoit que l’Espagne ne se pouvoit flatter d’un accommodement raisonnable si elle ne se montroit armée, espérant d’obliger les plus indifférents à entrer en danse, et de faire venir à chacun l’envie de danser par les bons instruments qu’on accordoit à Madrid. Ainsi il étoit évident qu’il ne songeoit qu’à la guerre et point à traiter ; que sa répugnance étoit entière pour la médiation d’Angleterre ; qu’il ne traiteroit même pas par celle des États généraux malgré sa prédilection pour eux. Nonobstant ces notions claires, les Anglois ne laissoient pas de le ménager, et ne désespéroient pas encore de parvenir à leurs fins. Georges fit renouveler à la reine et au cardinal tout ce qu’il leur avoit déjà fait promettre en cas de mort du roi d’Espagne.

Sa santé se rétablissoit, mais il étoit plongé dans une mélancolie profonde, et tellement dévoré de scrupules, qu’il ne pouvoit se passer un moment de son confesseur, quelquefois même au milieu de la nuit. Albéroni, qui vouloit être maître absolu de tous ceux qui approchoient familièrement du roi