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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/231

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d’Espagne, fit venir un médecin de Parme, nommé le docteur Servi. Il se défioit du premier médecin, chirurgien et apothicaire du roi, tous trois François, tous trois fort bien dans l’esprit du roi et de la reine ; mais le cardinal les trouvoit trop rusés et trop adroits pour les laisser en place. Tous les premiers ministres se ressemblent en tous pays. La principale qualité d’un médecin, selon celui-ci et tous les premiers ministres, étoit de n’être point intrigant ; l’intrigue, selon eux, est la peste des cours. Tout est cabale, et en est qui ils veulent en accuser. Le cardinal prétendoit que celle d’Espagne en étoit pleine, et se mettoit peu en peine de la capacité du médecin. Celle de Servi étoit des plus médiocres ; mais le hasard y devoit suppléer. Le point étoit qu’il eût du flegme, de la patience, du courage pour éluder les panneaux et les traits des trois François, qui ne manqueroient pas de le tourner en ridicule, et s’ils pouvoient, de le dégoûter assez pour lui faire reprendre le chemin d’Italie. Il s’en est bien gardé. Il a figuré depuis, et a été premier médecin de la reine, et puis du roi jusqu’à sa mort, et l’est encore de la reine sa veuve.

Ces dispositions faites, Albéroni, voyant la santé du roi d’Espagne rétablie, sentit l’inutilité des offres du roi d’Angleterre. Il y répondit comme il devoit pour la reine et pour lui, mais sans donner au fond à ces compliments plus de valeur qu’ils n’en méritoient. Il ne parla pas même au colonel Stanhope d’une proposition que le P. Daubenton lui avoit faite, et à laquelle il n’auroit eu garde de s’avancer sans l’ordre du cardinal : c’étoit le mariage du prince des Asturies avec une fille du prince de Galles. Le colonel, qui n’étoit pas instruit des intentions du roi son maître, n’osa répondre précisément sur une matière dont il sentoit les difficultés et les conséquences par rapport à la religion, et à la jalousie que le régent d’une part, et l’empereur de l’autre, en pourroient prendre. Albéroni donc n’en ouvrit pas la bouche ; il se contenta dans ses conférences avec le colonel Stanhope de lui faire