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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/249

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avec les précautions nécessaires pour se le rendre au régent et tout à la fois le rançonner et le trahir. Il y avoit d’autant plus de facilité. que d’Effiat étoit toujours l’entremetteur dont le régent se servoit sur tout ce qui regardoit le parlement, d’Effiat, dis-je, tout dévoué de longue main au duc du Maine, et accoutumé à trahir son maître dès le temps du feu roi, de concert avec le duc du Maine, comme on l’a vu lors de la mort de Mgr [le Dauphin] et de Mme la Dauphine, et toujours depuis. Ainsi le régent, avec tout son esprit, avoit mis toute sa confiance en deux scélérats qui s’entendoient pour le trahir et le jouer sans qu’il s’en voulût douter le moins du monde, persuadé que l’argent immense que le premier président tira de lui à maintes fortes reprises étoit un intérêt supérieur à tout, qui l’attachoit à lui en effet, en ne gardant pour M. du Maine que les apparences nécessaires de l’ancienne amitié. D’Effiat, intime du premier président et du duc du Maine, l’entretenoit dans cette duperie pour continuer la pluie d’or dans la bourse du premier président et une confiance nécessaire aux desseins de ses deux amis. Tel fut l’aveuglement d’un prince qui se persuadoit que tout étoit fripon, excepté le très petit nombre de ceux que l’éducation avoit trompés et raccourcis, et qui aimoit mieux se servir de fripons connus pour tels que d’autres, persuadé qu’il les manieroit mieux et qu’il s’en laisseroit moins tromper. Cette préface est nécessaire à ce qui est raconté ici entré le régent et le parlement. Tout se préparoit ainsi à donner bien des affaires au régent et à le culbuter.

Les menaces au dedans et au dehors par l’Espagne s’avançoient vers le but que l’ambition et la vengeance se proposoient, et que les prestiges répandus avec art parmi les fous, les ignorants et les sots, qui font toujours le très grand nombre, avançoient à souhait. L’intelligence entre Albéroni et M. et Mme du Maine étoit parfaite. Leurs liaisons prises dès le temps du feu roi, de M. de Vendôme, de la campagne de Lille, avoient toujours subsisté. L’art employé alors contre