Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/267

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l’avocat du parlement et de son arrêt, et cela des autres parlements comme de celui de Paris. Il reprend les voix, il intimide les maîtres des requêtes, cherche à embarrasser le rapporteur et les commissaires, il reprend les avis. Tout le conseil s’en plaint et s’accoutume à lui résister respectueusement mais fermement, et ne s’en cache pas. S’il sent enfin qu’il ne gagne rien, et que l’arrêt passe, il ne peut toutefois se résoudre à prononcer le blasphème de cassation. Il a inventé pour l’éviter une formule jusqu’à lui inconnue. Il prononce que, « sans s’arrêter à l’arrêt du parlement, etc., qui demeurera comme non avenu, etc. ; » et les parlements qui sentent et comptent sur cette vénération si loin poussée pour eux, n’ont cessé d’en abuser, et tout cela pourtant de la meilleure foi, et avec l’intégrité la plus parfaite.

On peut juger de là combien d’Aguesseau étoit peu propre à soutenir l’autorité royale résidente dans un régent, contre les entreprises du parlement ; et je ne craindrai point de le dire, combien, à l’entrée de ces mouvements, qui annonçoient tant de choses, il étoit important de renvoyer ce premier magistrat, d’ailleurs si digne de toute autre place, mais si peu propre à la première de son état, où le duc de Noailles l’avoit bombardé en un instant, uniquement pour soi, en abusant en cela, comme en bien d’autres choses, de la facilité du régent, qui, ébloui de la grande réputation de celui qu’il lui proposa à l’instant de la vacance, l’en crut sur sa parole, sans connoissance de celui qu’il mettoit si subitement dans une place si importante. Ce prince n’avoit guère tardé à se repentir d’un choix si brusque, dont il s’étoit enivré d’abord ; mais il fut sensible au cri public, à la louange du chancelier, et à le plaindre.

Toute la robe, vivement intéressée à un chef qui étoit véritablement idolâtre d’elle, et tout ce qui cabaloit d’ailleurs contre le régent, aidés des échos qui répètent tout ce qu’ils entendent, élevèrent d’autant plus d’Aguesseau que le contre-coup naturel portoit davantage en aigre censure