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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/286

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si appuyés de l’empereur, et toujours si constamment refusés ; qu’il ne pouvoit l’avoir oublié, et que je ne comprenois point comment il osoit les faire renaître, les réaliser de sa pure et personnelle grâce, les faire monter au delà même de toute espérance, comme lorsque, avant les derniers traités de paix générale, les prétentions bonnes ou mauvaises subsistoient en leur entier ; s’exposer à faire de son chef un présent, et aussi considérable, purement gratuit, dépouillé de toute cause, raison et prétexte, à un prince son beau-frère, sans force, sans considération, sans la plus légère apparence de droit ; abuser de sa régence aux dépens de l’État qui lui étoit confié pendant la minorité d’un roi qui pourroit un jour lui en demander compte et raison, et qui ne manqueroit pas de gens autour de lui qui l’y exciteroient ; qu’à l’égard de l’Altesse Royale, dont je lui démêlai le vrai des fausses apparences dont M. de Lorraine l’embrouilloit à dessein, que je comprenois aussi peu qu’il voulût avilir la majesté de la couronne, qui ne lui étoit pas moins confiée que l’État, et la prostituer sans cause, raison ni prétexte quelconque, que de sa bonne volonté de gratifier son beau-frère, en la dégradant, et en même temps la sienne propre, celle de Mme sa sœur et la supériorité des princes du sang sur M. de Lorraine, en lui donnant de sa pleine et unique grâce un traitement si supérieur à celui des princes du sang, et traitement, de plus, qui ne pouvoit leur être donné. J’allai jusqu’à lui dire qu’il y avoit en lui un aveuglement qui tenoit du prestige de préférer de si loin un petit prince totalement inutile et sans la moindre apparence de droit, de maison fatale à la sienne tant et toutes les fois qu’elle l’a pu, et personnellement ennemie, à preuves signalées, et qui depuis ne respiroit toujours que la cour de Vienne, le préférer, dis-je, et de si loin, à l’État et à la majesté de la couronne, dont lui étoit dépositaire, au roi, à soi-même et à sa propre maison ; de hasarder les reproches que le roi lui en pourroit faire un jour, et s’exposer au qu’en-dira-t-on public