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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/285

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d’ailleurs tenu aussi de court par les Rohan, soumis à Mme de Remiremont et à Mme d’Espinay. Le duc de Noailles et son ami d’Effiat n’avoient garde de résister quand il ne s’agissoit ni du parlement ni de la robe. Le matamore Villars étoit toujours souple comme un gant. Le maréchal d’Estrées sentoit, savoit, lâchoit quelque demi-mot mais mouroit de peur de déplaire, et se dédommageoit, ainsi que le maréchal d’Huxelles, en blâmant, tout bas ce qui se faisoit aux uns et aux autres, à quoi ils n’avoient pas la force de contredire le régent. La différence étoit qu’Estrées étoit fâché du mal sincèrement et en honnête homme ; Huxelles, au contraire, pour s’en donner l’honneur, verser son fiel, et quand les choses ne touchoient ni à son personnel ni à ses vues, étoit ravi des fautes et en riait sous cape, comme il fit en cette occasion, ainsi que M. du Maine. D’Antin étoit trop bas courtisan et trop mal en selle auprès du régent pour oser souffler. Pour la queue du conseil, elle n’osoit donner le moindre signe de vie, sinon Torcy, quelquefois pressé de lumière et de probité, mais si rarement et avec tant de circonspection, que cela passoit de bien loin la modestie.

M. le duc d’Orléans, qui n’avoit pas oublié mon aventure avec lui au conseil et la convention qui l’avoit suivie, que j’ai racontée (t. XIV, p. 187) et qui se douta que je ne serois pas aisé à persuader sur ce traité, m’en parla à trois ou quatre diverses fois avec grande affection. Je lui représentai ce que je viens d’expliquer tant sur le démembrement des parties considérables de la Champagne, que sur le traitement d’Altesse Royale. Je le fis souvenir qu’outre que M. de Lorraine étoit sans aucun prétexte d’avoir à le ménager pour quoi que ce fût dans la situation particulière où il étoit, ni dans celle où l’Europe se trouvoit alors, même où elle pût être dans la suite ; il n’y avoit pas si longtemps que les traités de paix d’Utrecht et de Bade avoient passé l’éponge sur toutes ces prétentions et ces dédommagements tant demandés,