Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/289

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me pria à la fin de ne me point trouver au conseil de régence, lorsque Saint-Contest y apporteroit ce traité. Je le lui promis avec grand soulagement, car mon avis ne l’auroit pas empêché de passer, et auroit fait du bruit et grand’peine à M. le duc d’Orléans. Pareille chose m’arriva lorsque le régent eut la faiblesse d’accorder le traitement égal de Majesté au roi de Danemark, et de Hautes Puissances aux États généraux. Il ne put le gagner, ni moi l’empêcher, et je m’absentai du conseil de régence le jour que M. le duc d’Orléans y fit passer cette dégradation de la couronne de France. Il m’avertit deux jours auparavant. Je me fis excuser par La Vrillière à ce conseil et même au suivant, comme incommodé, pour, qu’il n’y parût pas d’affectation, et je mis le régent fort à l’aise. Le traité passa au conseil, au rapport de Saint-Contest, sans la plus légère contradiction, quoique sans l’approbation de personne, où mon absence ne laissa pas d’être doucement remarquée.

Le parlement, devenu si épineux et bientôt après, si fougueux, l’enregistra tout de suite le 7 avril sans la moindre ombre de difficulté. Il blessoit fort le roi et l’État ; mais il ne touchoit ni à la bourse, ni aux chimères, ni aux prétentions de ces prétendus tuteurs de nos rois mineurs, et protecteurs du royaume et de ses peuples.

M. de Lorraine, ravi d’aise d’avoir obtenu par-dessus même ses espérances, ne voulut point partir avant l’enregistrement fait au parlement. Mais l’affaire ainsi entièrement consommée, il ne songea plus qu’à s’en aller. Sûre de l’enregistrement dès la veille, Mme la duchesse de Lorraine fut aux Tuileries prendre congé du roi, qui le lendemain vint au Palais-Royal lui souhaiter un bon voyage. Elle fut ensuite dire adieu à Mme la duchesse de Berry à Luxembourg, qui le même soir vint au Palais-Royal l’embrasser encore. Le lendemain 8 avril elle partit avec le duc de Lorraine, qui eut de quoi être bien content et se bien moquer de nous.