Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/29

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d’Estrées et lui, jugée en sa faveur. — Son aventure au même conseil. — Duc d’Albert gouverneur d’Auvergne. — Maréchal de Tessé quitte le conseil de marine. — Grâces accordées aux conseillers du grand conseil. — Le roi Stanislas près d’être enlevé aux Deux-Ponts ; quelque temps après reçu en asile à Weissembourg en basse Alsace. — Naissance du prince de Conti et d’un fils du roi de Portugal. — Fête donnée par son ambassadeur. — La Forêt ; quel ; perd un procès de suite importante. — Le régent assiste, à la royale, à la procession de Notre-Dame, le 15 août. — Le parlement refuse d’enregistrer la création de deux charges dans les bâtiments. — Fête de Saint-Louis. — Rare leçon du maréchal de Villeroy.


Il arriva à la Martinique une chose si singulière et si bien concertée qu’elle peut être dite sans exemple. Varennes y avoit succédé à Phélypeaux, qui avoit été ambassadeur à Turin, et comme lui étoit capitaine général de nos îles. Ricouart y étoit intendant. Ils vivoient à la Martinique dans une grande union, et y faisoient très bien leurs affaires. Les habitants en étoient fort maltraités. Ils se plaignirent à diverses reprises et toujours inutilement. Poussés à bout enfin de leur tyrannie et de leurs pillages et hors d’espérance d’en avoir justice, ils résolurent de se la faire eux-mêmes. Rien de si sagement concerté, de plus secrètement conduit parmi cette multitude, ni de plus doucement ni de plus plaisamment exécuté. Ils les surprirent un matin chacun chez eux au même moment, les paquetèrent, scellèrent tous leurs papiers et leurs effets, n’en détournèrent aucun, ne firent mal à pas un de leurs domestiques, les jetèrent dans un vaisseau qui étoit là de hasard prêt à partir pour la France, et tout de suite le firent mettre à la voile. Ils chargèrent en même temps le capitaine d’un paquet pour la cour dans lequel ils protestèrent de leur fidélité et de leur obéissance, demandèrent pardon de ce qu’ils faisoient, firent souvenir de tant de plaintes inutiles qu’ils avoient faites, et s’excusèrent sur la nécessité inévitable où les mettoit l’impossibilité absolue de souffrir davantage la cruauté de leurs vexations. On auroit peine, je crois, à représenter l’étonnement de ces