Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/320

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de la belle femme qu’il avoit épousée, veuve de La Chétardie, frère du curé de Saint-Sulpice, si bien avec Mme de Maintenon, qui n’influoit pas sur la conduite de cette belle-soeur, dont le fils a longtemps fait tant de bruit en Russie, où il fut de la part du roi par deux fois. Monasterol étoit un Piémontois dont la famille, assez médiocre, s’étoit transplantée en Bavière comme quelques autres italiennes. C’étoit un homme fort agréable, toujours bien mis, souvent paré, d’un esprit très médiocre, mais doux, liant, poli, cherchant à plaire, fort galant, qui, en fêtes, en chère, en meubles, en équipages et en bijoux, vivoit dans le plus surprenant luxe, et jouoit le plus gros jeu du monde. Sa femme, encore plus splendide, augmenta encore sa dépense, et mêla un peu sa compagnie qui auparavant n’étoit que du meilleur de la cour et de la ville. On ne pouvoit comprendre comment un homme de soi si peu avantagé de biens, et ministre d’un prince si longtemps sans États, pouvoit soutenir, et tant d’années, un état si généralement magnifique. Il payoit tout avec exactitude, et passoit pour un fort honnête homme. Outre les affaires dont il étoit chargé, il l’étoit encore des pécuniaires de l’électeur, en subsides, pensions, etc., qui alloient tous les ans à de grandes sommes, que son prince tiroit de la France. Peu à peu ses comptes languirent. Ceux que l’électeur employa dans ses finances, depuis qu’il fut rétabli, songèrent sérieusement à en réparer les ruines, et voulurent voir clair à la longue administration de celles qui avoient passé et qui continuoient à passer par Monasterol. Il tira de longue tant qu’il put, aidé même de la protection et de la pleine confiance de son maître ; mais à la fin, ce prince fut si pressé par ses ministres, qu’il envoya des ordres positifs à Monasterol de venir rendre compte à Munich de toute sa gestion. Alors il n’y eut plus moyen de reculer davantage. Monasterol, d’un air serein, publia que son voyage seroit court, laissa sa femme et presque toute sa maison à Paris, et partit. Arrivé à Munich, il fallut compter autres