Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/344

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étrangers fut un des fruits de la Ligue, auquel MM. de Bouillon d’aujourd’hui et de Rohan ont participé, quand l’intérêt du cardinal Mazarin pour les premiers, et la beauté de Mme de Soubise pour les seconds, les a faits princes.

Le comte d’Agenois, fils du marquis de Richelieu, épousa Mlle de Florensac, presque aussi belle que sa mère, qui étoit Saint-Nectaire. Son père étoit frère du duc d’Uzès, gendre du duc de Montausier. Elle n’avoit plus ni l’un ni l’autre. Ces mariés ont fait depuis du bruit dans le monde lui par ses charmes, dont les intrigues de Mme la princesse de Conti, sœur de M. le Duc, ont récompensé les longs services et très publics, de l’usurpation juridique de la dignité de duc et pair d’Aiguillon, sans cour ni service de guerre ; elle, par l’art de gagner force procès, de faire une riche maison et de dominer avec empire sur les savants et les ouvrages d’esprit, qu’elle a accoutumés à ne pouvoir se passer de son attache, et les compagnies les plus recherchées à l’admirer, quoique assez souvent sans la comprendre.

Le prince de Carignan arriva ici. Il étoit fils unique de ce fameux muet, qui l’étoit du prince Thomas et de la dernière princesse du sang de la branche de Soissons. Ce prince de Carignan n’avoit rien entre les enfants de M. de Savoie et lui, qui étoit lors roi de Sicile, et il en étoit regardé comme l’héritier très possible. Ce prince en prit soin comme d’un de ses fils, et ne s’opposa point à l’amour qu’il conçut pour la bâtarde qu’il avoit de Mme de Verue, qui le conduisit à l’épouser. Le roi de Sicile, qui aimoit tendrement cette fille, en fut ravi, et redoubla pour eux de soins et de grâces. Les mœurs, la conduite et les folles dépenses du prince de Carignan y répondit si mal qu’il se brouilla avec le roi de Sicile, de la cour et des États duquel il s’échappa. Il n’osa, par cette raison, être ici qu’incognito sous le nom de comte del Bosco. On l’y laissa, pour que cette contrainte l’engageât à s’en retourner, comme le roi de Sicile le vouloit. Au lieu de cela, Mme de Carignan se sauva de Turin, ou en fit le