Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/343

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Culant, qui étoit fort riche, fille de Barbezieux et de Mlle d’Alègre, sa seconde femme. Toute la famille de M. de Louvois ne le vouloit point, et d’Alègre, grand-père, étoit d’accord avec le duc d’Albret. La fille n’avoit ni père ni mère. Les procédés tournés en procès furent arrêtés par les menées de M. le prince de Conti, qui en fit son affaire pour M. d’Albret, et par l’autorité de M. le duc d’Orléans, qui n’y avoit que faire, mais qui s’y laissa peu à peu engager, dont M. de La Rochefoucauld et le duc de Villeroy, qui lui parlèrent vivement, furent fort piqués. Enfin, après bien du bruit, du temps et des difficultés, le curé de Saint-Sulpice publia deux bans. Dès que les Louvois le surent, ils s’y opposèrent, et se plaignirent amèrement du curé, qui les étonna fort en leur montrant un ordre du régent. Le troisième ban suivit et la nuit même la célébration du mariage à Saint-Sulpice. L’abbé de Louvois y accourut avec une opposition en forme. On s’en doutoit. M. le prince de Conti s’y trouva exprès, alla au-devant de lui et l’arrêta par un ordre qu’il lui fit voir de M. le duc d’Orléans. Peu de gens approuvèrent la chose et la manière.

Le fils aîné du prince de Guéméné épousa la troisième fille du prince de Rohan avec de grandes substitutions. Le mariage se fit dans l’église de Jouars, dont une fille du prince de Rohan étoit abbesse, et où ils allèrent tous pour éviter des fiançailles publiques. Mme la duchesse de Berry s’étoit fort choquée d’en voir faire dans le cabinet du roi pour les maisons de Lorraine, Rohan et Bouillon quand le marié et la mariée sont de même rang, ce que la faveur de l’un des deux a étendu quelquefois, comme aux fiançailles de Mme de Tallard, et de cette similitude avec celles des princes et des princesses du sang. Elle s’en étoit laissé entendre, et les prudents Rohan évitèrent de s’y commettre. Ces fiançailles et même les mariages en présence du roi et de la reine étoient communs à tous les grands seigneurs, même aux gens de faveur. La restriction peu à peu aux princes