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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/35

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la fin je dis à M. le duc d’Orléans que c’étoit se moquer de lui ouvertement, et faire un déni de justice le plus public et le plus criant. Le conseil d’après il se trouva que M. le duc d’Orléans lui avoit dit qu’il rie vouloit plus attendre. M. le comte de Toulouse et moi continuâmes à lui demander si à la fin il apportoit l’affaire de Périgueux. Nous ne doutâmes plus alors qu’elle seroit aussitôt rapportée, niais les ruses n’étoient pas à bout.

C’étoit un mardi après dîner, où souvent M. le duc d’Orléans abrégeoit le conseil pour aller à l’Opéra. Dans cette confiance le duc de Noailles tint tout le conseil en différentes affaires. J’étois entre le comte de Toulouse et lui. À chaque fin d’affaire je lui demandois : « Et l’affaire de Périgueux ? — Tout à l’heure, » répondoit-il, et en commençoit une autre. À la fin je m’aperçus du projet ; je le dis tout bas au comte de Toulouse qui s’en doutoit déjà, et nous convînmes tous deux de n’en être pas la dupe. Quand il eut épuisé son sac il étoit cinq heures. En remettant ses pièces il le referma et dit à M. le duc d’Orléans, qu’il avoit encore l’affaire de Périgueux qu’il lui avoit ordonné d’apporter, mais qui seroit longue et de détail ; qu’il vouloit sans doute aller à l’Opéra ; que ce seroit pour la première fois ; et tout de suite, sans attendre de réponse, il se lève, pousse son tabouret et tourne pour s’en aller. Je le pris par le bras : « Doucement, lui dis-je, il faut savoir ce qu’il plaît à Son Altesse Royale. Monsieur, dis-je à M, le duc d’Orléans, toujours tenant ferme la manche du duc de Noailles, vous souciez-vous beaucoup aujourd’hui de l’Opéra ? — Mais non, me répondit-il, on peut voir l’affaire de Périgueux. — Mais sans l’étrangler, repris je. — Oui, dit M. le duc d’Orléans qui, regardant M. le Duc qui sourioit : Vous ne vous souciez pas d’y aller, lui dit-il. — Non, monsieur ; voyons l’affaire, répondit M. le Duc. — Oh ! remettez-vous donc là, monsieur, dis-je au duc de Noailles d’un ton très ferme en le tirant très fort, reprenez votre siège et rouvrez votre sac. » Sans