Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/353

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Le comte de Staremberg, qui avoit acquis la plus grande confiance de l’empereur, pour avoir été son conseil et le général sous lui en Espagne, étoit le plus touché de cette crainte de tous les ministres de la cour de Vienne. Il dit qu’il se croyoit en droit plus que personne d’insister fortement au refus de l’article de la Toscane, parce qu’il avoit appuyé plus fortement que personne le projet de prendre de justes mesures pour assurer le repos de l’Europe, et qu’il s’étoit souvent exposé à déplaire à l’empereur en combattant les visions dont on entretenoit sa passion de recouvrer la monarchie d’Espagne ; que cet article de Toscane, au lieu d’établir une paix solide, entretiendroit une cause de guerre perpétuelle, et feroit perdre l’Italie à l’empereur ; qu’il lui conseilleroit plutôt que d’y consentir, de faire la paix avec les Turcs aux dépens même de toutes ses conquêtes sur eux, et de regarder comme sa plus capitale affaire d’empêcher l’établissement en Italie d’une branche de la maison de France, et qu’elle y prît des racines assez solides pour donner la loi à la maison d’Autriche ; et il n’estimoit pas que l’acquisition de la Sicile pût balancer la crainte d’un pareil établissement. Il convenoit aussi que l’Europe auroit raison de s’alarmer si l’empereur prétendoit s’emparer quelque jour de ces successions ; qu’aussi son intention étoit d’en assurer l’expectative au duc de Lorraine (que Vienne vouloit faire regarder comme un prince neutre, quoique de tout temps et lors plus que jamais seule et même chose avec elle) et dont l’agrandissement ne devoit donner d’ombrage à aucune puissance. L’empereur, vouloit bien qu’il achetât ce bel établissement par la cession du Barrois, mouvant à la France [1]. Néanmoins, les ministres de l’empereur, n’espérant pas qu’on pût se relâcher sur la Toscane en faveur d’un fils de la reine d’Espagne, imaginèrent de la partager avec lui en faisant céder l’État de Pise au duc de

  1. Terme féodal qui signifie relevant de la France.