Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/357

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frère aîné du premier mariage. Elle avoit pris des mesures auprès du roi de Suède, et engagé le czar à lui restituer une partie de ses conquêtes, moyennant quoi le roi de Suède devoit garantir ce nouvel ordre de succession.

Le czar, naturellement opposé à restituer, parut sentir les remords du renversement de l’ordre naturel et légal de la succession, surtout quand il vit la joie de ses peuples au retour d’Italie du czarowitz, qui lui fit craindre même une révolution s’il poussoit ce projet en faveur de son jeune fils. Il étoit tombé dans un chagrin extrême. Il reprochoit à la czarine les embarras où le jetoit son ambition pour son fils, et les peines que lui coûtoit cette malheureuse affaire. Il se plaignoit de ses sollicitations de faire sa paix particulière avec la Suède ; il craignoit la puissance et la vengeance de ses alliés dans cette guerre s’il les abandonnoit. Il traitoit de scélérat Menzicoff jusqu’alors son favori, avec qui la czarine étoit fort liée. Il en disoit autant de Goertz qui avoit traité avec lui de la part de la Suède, et le tenoit capable de tromper et lui et son propre maître. Le roi d’Angleterre, informé de ces agitations du czar, ne le croyoit pas en état de prendre des liaisons avec la Suède au préjudice de la ligue du nord, à laquelle l’impuissance plus que la volonté l’obligeroit de demeurer fidèle ; la bonne foi du roi de Prusse lui étoit également suspecte ; mais ses ministres le regardoient comme un zéro (c’étoit leur expression), capable de rien sans l’appui du czar, ni d’oser déplaire à l’empereur sans des sûretés bien réelles. Ils espéroient tout de la témérité du roi de Suède à la veille de périr dans chacune de ses entreprises. Son entrée en Norvège, à la fin de janvier, leur parut aussi folle qu’elle l’avoit semblé à ses ministres et à ses généraux qui s’y étoient tous inutilement opposés, et Gœrtz plus qu’aucun, dans la vue d’intérêt particulier qu’il avoit de porter le roi de Suède vers le Holstein, pour rétablir son neveu dans cet État usurpé par le roi de Danemark. Le ministère anglois, uni à celui de Hanovre, se fondoit