Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/362

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qu’il étoit vrai que Cellamare l’avoit averti du voyage que Nancré se disposoit à faire, mais que le motif en étoit inconnu à l’ambassadeur et à lui-même, que le temps l’éclairciroit, et qu’il protestoit cependant non comme ministre, mais comme homme d’honneur, qu’il n’en avoit pas la moindre connoissance. L’empressement des dispositions qu’il faisoit pour la guerre, et qui coûtoient beaucoup, répondoit à son éloignement de la paix. On y remarqua néanmoins un ralentissement, qui fut attribué aux scrupules du roi d’Espagne et aux représentations de son confesseur. Mais Aubenton, dont Albéroni étoit bien sûr, n’auroit osé proposer au roi d’Espagne d’autres points de conscience que ceux qui convenoient aux intérêts du cardinal. Lui-même attendoit peut-être quelques changements aux projets dont il étoit question. Cellamare et le comte de Provane, envoyé du roi de Sicile à Paris, ne cessoient de détourner le régent des mesures qu’il vouloit prendre avec l’empereur et l’Angleterre, et de le presser d’en prendre d’autres, qu’ils représentoient comme plus honorables et plus sûres pour s’opposer aux desseins de l’empereur. Ils prétendirent que le régent, acquiesçant à leurs raisons, leur avoit promis deux choses : l’une d’augmenter incessamment l’infanterie française, l’autre d’envoyer à Vienne de la part du roi ; mais ils n’eurent pas longtemps cette espérance, qui les avoit fort flattés, du peu d’effet qu’auroit la négociation d’Angleterre. Il ne fut pas question de l’augmentation de l’infanterie. Cellamare crut avoir pénétré que les ministres des finances et même le maréchal de Villars avoient représenté la facilité de la faire du jour au lendemain, dès que cela seroit nécessaire, et l’inconvénient de charger de ce surcroît les finances si chargées de dettes avant la nécessité. Sur ce fondement, il fut répondu à Cellamare que les forces impériales qui étoient en Italie n’étoient pas à craindre, et qu’elles ne passoient pas vingt mille hommes, suivant les traités. Sur l’envoi à Vienne on lui dit qu’il s’y étoit trouvé deux difficultés : la répugnance