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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/363

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invincible de Biron qui avoit été choisi, dont l’ambassadeur fut bien aise, parce que Biron étoit beau-père de Bonneval, et qu’on supposoit que les ministres du roi ne jugeoient pas convenable d’envoyer à Vienne, sans charger celui qui y irait de propositions préliminaires pour procurer un accommodement raisonnable entre l’empereur et l’Espagne.

Cellamare se plaignoit, comme d’un reproche injuste, [de] celui que la France faisoit à l’Espagne de renouveler les hostilités et les troubles de l’Europe. Il reprochoit lui-même aux François de se laisser tellement frapper de la crainte de la puissance des Allemands, qu’il sembloit que ceux qui avoient part aux affaires eussent toujours devant les yeux le fantôme formidable de la dernière ligue, qui rendoit inutiles les meilleures raisons, en sorte que la terreur des forces ennemies persuadoit bien plus que l’intérêt de l’État. Il disoit que le régent, seul capable de calmer ces frayeurs, étoit poussé par une force secrète, dont la source étoit dans son intérêt particulier différent de celui de l’État. Persuadé que le moyen de l’en détourner étoit de l’engager à l’exécution des deux points dont on vient de parler, il en obtint, le 13 janvier, une audience particulière, dans laquelle il insista sur ces deux points qu’il prétendit qu’on lui avoit promis, et au plus tôt. Sur le premier le régent répondit qu’il donneroit toute son attention à choisir un sujet capable de se bien acquitter de l’emploi de Vienne ; que cependant, avant de le nommer, il vouloit avoir encore des réponses de l’abbé Dubois, et savoir les intentions du roi d’Angleterre plus précisément qu’il n’en étoit instruit. Sur le second, il dit à Cellamare, mais comme en confidence intime, que, suivant l’avis de ceux qu’il avoit chargés des affaires de la guerre, même de plusieurs officiers généraux, il avoit abandonné sa première idée d’augmenter de dix hommes chaque compagnie d’infanterie ; que, prenant un expédient plus conforme à l’épuisement des finances, son dessein étoit de former