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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/365

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Dubois, qui l’avoit infatué de bonne heure de l’Angleterre, aidé du duc de Noailles et de Canillac dans les commencements, qui tous trois avoient stylé Stairs à lui parler d’un ton à lui imposer, lequel en avoit su si bien profiter qu’il en abusa sans cesse, et réduisit en assez peu de temps le régent à le craindre, et à n’oser, pour ainsi dire, branler devant lui, appuyé de plus en plus, et conduit par l’abbé Dubois à mesure qu’il croissoit lui-même. Dubois, qui ne se soucioit ni de l’État ni de son maître que pour sa fortune, et qui de grand matin, comme on l’a vu, ne l’avoit espérée que par l’Angleterre, la voyoit par là en grand train, et nulle espérance par ailleurs. Il avoit ainsi repris son ancien ascendant sur M. le duc d’Orléans ; cet ascendant se fortifioit sans cesse par le commerce d’affaires qu’il tiroit tout à soi, mais qu’il ne pouvoit embler que relativement à celles d’Angleterre. L’esprit, les raisons, le bon sens emportoient quelquefois le régent d’un autre côté, mais pour des moments. Un propos de Stairs, qui se faisoit jour chez lui avec audace, et qui étoit informé à point de l’intérieur par les valets affidés à Dubois, une dépêche de cet abbé renversoient à l’instant les idées que le régent avoient prises, et l’attachoient de nouveau à l’Angleterre. C’étoit l’unique cause du changement que Cellamare cherchoit à démêler. Le maréchal de Villars ne fut jamais Anglois, mais toujours Espagnol. D’ailleurs, c’étoit l’homme du monde que le régent consultoit le moins, et qui, pour en dire le vrai, méritoit moins de l’être, par son incapacité en affaires et la légèreté de son sens. Broglio n’étoit plus de rien depuis ses deux projets dont j’ai parlé, et dont M. le duc d’Orléans se repentit toujours. Broglio, retombé au bas étage des roués, fut encore trop heureux d’y être souffert, et n’en remonta plus. Cette remarque suffit pour éclaircir bien des choses sur les affaires étrangères, dont il faut reprendre le cours.