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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/375

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Maro, portant en termes formels que, par la collusion d’Aldovrandi avec Albéroni, jamais le bref n’avoit été présenté au roi d’Espagne ; que le contenu lui en avoit été rapporté seulement, preuve, dirent-ils, de l’intelligence du pape avec le roi d’Espagne, et cause, par conséquent, du mauvais état où l’empereur avoit laissé la Sardaigne. Ils ajoutèrent des protestations de la plus terrible vengeance. Ils déclarèrent qu’ils feroient la paix avec les Turcs, à quelque prix que ce fût ; que la France leur laissoit la liberté de faire tout ce qu’ils voudroient, déclarant qu’elle n’y prendroit pas le moindre intérêt. Ainsi l’empereur, ne craignant plus d’obstacle à ses desseins, fit dire au pape qu’il avoit donné ordre à ses ministres en Angleterre de cesser toute négociation de paix avec l’Espagne. Il prétendoit avoir déjà fait une ligue avec le roi de Sicile, et laissoit entendre que l’Italie en étoit l’objet. Enfin l’empereur, affectant une défiance, qu’il traitoit de juste, des intentions du pape, lui demanda pour sûreté de ses protestations et de sa conduite, la ville de Ferrare pour en faire sa place d’armes. Il demanda de plus le logement dans l’État ecclésiastique pour douze mille hommes. Il y joignit plusieurs autres circonstances exigées toutes comme des satisfactions, dont la cour de Rome eut horreur. Tout commerce avec la cour fut en même temps, interdit au nonce ; les ministres impériaux lui signifièrent qu’il étoit libre de se retirer de Vienne ou d’y demeurer, mais que, s’il prenoit ce dernier parti, son séjour et sa présence seroient totalement inutiles. L’empereur déclara en même temps que c’étoit de son pur mouvement, et sans consulter aucun de ses ministres, qu’il avoit fait chasser le nonce de Naples ; que cet ordre avoit été envoyé au comte de Gallas, son ambassadeur à Rome, pour le faire exécuter, si le pape refusoit de lui accorder les satisfactions qu’il lui avoit demandées.

Ces nouvelles causèrent une étrange consternation dans le palais. Le pape, tremblant, ne connoissoit d’autres voies,