Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/376

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pour apaiser la colère de l’empereur, que la soumission, même la bassesse, et de lui accorder toutes les satisfactions qu’il imposoit. Ses neveux, encore plus consternés, étoient aussi plus empressés que leur oncle, parce qu’il s’agissoit pour eux de perdre les revenus dont l’empereur les faisoit jouir dans le royaume de Naples, qui étoit le plus bel article de leurs finances. On ne doutoit donc pas des conseils qu’ils donneroient au pape et qu’il ne les suivît ; et que, voyant les Impériaux à ses portes, maîtres d’entrer dans l’État ecclésiastique toutes les fois qu’ils le voudroient, et nulles forces d’Espagne encore en Italie, jugeant que la France, dans la crainte de s’engager dans une guerre étrangère, refuseroit de se joindre à l’Espagne, tant de raisons pressantes ne l’entraînassent à céder à son penchant naturel de timidité et de faiblesse, indépendamment même de l’intérêt de ses neveux. On ne laissoit pas de lui rendre justice sur le prétexte odieux et supposé que les Allemands prenoient de lui faire querelle. Il n’y avoit personne qui pût croire que Sa Sainteté eût eu connoissance de l’entreprise sur la Sardaigne, ni que ce secret eût été conservé si la confidence lui en eût été faite.

Comme le pape n’osoit se plaindre à Vienne de la conduite des Allemands, il porta ses plaintes à Madrid ; et, comme il croyoit cette cour plus foible que l’autre, il y joignit les menaces, et fit entendre qu’il seroit obligé de recourir aux remèdes extrêmes pour effacer de l’esprit des hommes les soupçons indignes et les calomnies répandues contre le vicaire de Jésus-Christ. Il en représenta les effets pernicieux, l’interdiction du nonce à Vienne, celui de Naples chassé, et l’autorité apostolique totalement abolie dans ce royaume ; enfin, les autres menaces encore plus fâcheuses, si par des faits il ne démentoit promptement l’imposture. De là, il passoit aux supplications, et demandoit instamment à la piété du roi d’Espagne de restituer la Sardaigne à l’empereur, comme le seul moyen de persuader ce prince qu’il