Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/401

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fondés sur ses désirs, tout au plus sur ses espérances, qu’il prétendoit appuyées sur des secrets dont lui seul avoit la connoissance. Ces secrets étoient ses anciennes chimères de l’éloignement de la paix des Turcs, de celui de la nation anglaise de perdre son commerce qui ne permettroit pas au roi d’Angleterre de rompre avec l’Espagne, de la jalousie secrète des Hollandois qui verroient sans se remuer, même avec joie, attaquer et humilier l’empereur. C’étoit avec quoi il ne se rebutoit point de vouloir persuader au régent de prendre les armes et de s’unir à l’Espagne et au roi de Sicile avec lequel pourtant il n’étoit rien moins que d’accord. Il vouloit cependant faire en sorte, par la France, pour que la haine du refus des propositions de paix ne tombât pas sur l’Espagne, mais sur les Impériaux. Il ne trouvoit aucune sûreté pour les garnisons espagnoles à mettre dans les États de Toscane et de Parme contre l’enlèvement que les troupes de l’empereur en pourroient faire d’un moment à l’autre. Il s’écrioit contre la violence qu’on vouloit exercer contre des princes vivants et possédant justement leurs États, tels que le grand-duc qui avoit un fils, le duc de Parme surtout, beau-père et oncle de la reine d’Espagne, lequel avoit un frère qui pouvoit avoir des enfants, et qu’on vouloit amuser et repaître de visions éloignées, et laisser cependant les Allemands si bien prendre leurs mesures qu’ils feroient échouer d’autres projets plus raisonnables et plus capables de maintenir l’équilibre de l’Europe. Tous ces langages furent tenus au régent par Cellamare, qui eut ordre de lui faire voir la lettre d’Albéroni, et par Monti son ami de confiance, chargés tous deux de n’oublier rien pour arracher le régent à la négociation de Londres et l’unir à l’Espagne et au roi de Sicile, duquel ils prétendirent être sûrs.

Albéroni, persuadé qu’il falloit marquer beaucoup de fermeté et de confiance en ses forces pour intimider, envoya ordre à Monteléon de s’expliquer beaucoup plus clairement qu’il ri avoit fait sur la destination de l’escadre anglaise.