Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’exemple. Cellamare ne le laissa pas dans l’abus de cette espérance : il lui manda que, quelques bonnes dispositions que le régent eût fait paroître en différentes occasions pour l’Espagne, son but n’avoit jamais varié sur la conservation de la paix, à quelque prix que ce pût être ; que ce n’étoit que pour gagner du temps qu’il avoit quelquefois flatté le roi d’Espagne d’espérances agréables ; que le moyen d’éviter ces pièges étoit d’obliger Nancré de s’expliquer tout en arrivant et clairement, et de ne pas remettre à son retour à Paris la décision des affaires. Cellamare crut qu’il étoit du service du roi son maître, d’en parler comme de chose déjà décidée. Il publia que le roi d’Espagne se vengeroit enfin des outrages qu’il avoit reçus, et qu’il soutiendroit ses droits quand même il seroit abandonné de ceux dont il devoit naturellement et raisonnablement attendre du secours. Provane, qui le secondoit alors, alla plus loin. Il vouloit que le roi d’Espagne demandât passage par la France pour cinquante mille hommes qu’il enverroit défendre l’Italie ; mais Cellamare y trouva trop de rodomontade, et crut qu’il falloit ne dire que ce qu’on étoit à peu près en état de faire. Le bruit se répandit néanmoins que ce passage étoit demandé pour vingt-cinq mille hommes. Cellamare, sans appuyer ni démentir ce bruit, dit à Nancré avant son départ qu’il ne pouvoit faire que de mauvais augures de la négociation dont il étoit chargé.




CHAPITRE XVII.


Albéroni continue à poursuivre Giudice ; lui fait redoubler les ordres d’ôter les armes d’Espagne de dessus la porte de son palais. — Malice et toute-puissance de ce premier ministre. — État personnel du roi d’Espagne. — Manèges du pape et d’Albéroni sur les bulles