Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/404

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des médiateurs, et pour persuader la nécessité, la facilité et les grands fruits de l’union armée de la France, avec l’Espagne.

Le voyagé prochain de Nancré à Madrid paraissoit moins une disposition pour rétablir la bonne intelligence entre les deux cours qu’un moyen que celle de France vouloit tenter pour déclarer au roi d’Espagne que, s’il n’acceptoit le projet concerté avec l’Angleterre, son refus produiroit une rupture ouverte entre la France et lui. Mais Albéroni, persuadé qu’il devoit en cette conjoncture tenir et montrer bonne contenance, disoit que nonobstant tout ce qui pourroit arriver, le roi d’Espagne suivroit son projet ; que, s’il ne réussissoit pas, il en seroit quitte pour se retirer sur son fumier où il attendroit des conjonctures plus favorables. Enfin la résolution étoit prise de ne faire aucun accommodement avec l’empereur. Monti eut ordre d’Albéroni de le dire au régent et de l’assurer qu’avec un peu de temps il verroit des changements dans les mesures qu’il avoit prises avec le roi Georges, que le temps feroit aussi que l’amitié du roi d’Espagne seroit recherchée, et d’autres pareilles vanteries. Albéroni comptoit sur la neutralité au moins de la Hollande. Beretti, pressé de plaire et de se faire valoir, l’en assuroit. Il lui mandoit l’assurance qu’il en avoit eue de Santen, nouveau bourgmestre d’Amsterdam, que cette ville n’admettroit rien contre le service du roi d’Espagne, et qu’il en avoit averti Buys et le Pensionnaire pour les contenir, parce qu’il les savoit tous deux très attachés à l’Angleterre et à la maison d’Autriche. La faiblesse où se trouvoit cette république, la difficulté de fournir à un armement très nécessaire pour la mer Baltique par les dettes immenses qu’elle avoit contractées pendant la guerre terminée par la paix d’Utrecht, lui rendoient les levées de troupes impossibles, à ce que prétendoit Beretti. Ces mêmes raisons lui ôtaient aussi toute espérance de porter les États à attaquer l’empereur, et c’est ce qui redoubloit le désir d’Albéroni que la France leur en donnât