Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/408

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superficiellement rendu, la stampille étoit apposée sur les expéditions. La maladie du roi étoit le prétexte de lui donner si peu de connoissance des affaires. Sur ce même prétexte, l’entrée de son appartement étoit interdite à tous ceux dont on vouloit juger que la présence lui donneroit la moindre contrainte. Il étoit donc réduit à passer ses jours entouré de médecins et d’apothicaires, et bannissant toute autre cour, et se crevant toujours de manger. Il s’amusoit les soirs à les voir jouer, ou de jouer avec eux. Ces sortes de gens ne faisoient point d’ombrage au cardinal, et ne pouvoient attaquer son pouvoir despotique. Tout autre personnage plus élevé lui étoit suspect. Il parut même qu’il commençoit à se défier du duc de Popoli, quoique le plus soumis et le plus rampant de ceux qui vouloient être considérés comme dépendants de lui. C’est qu’il ménageoit trop les Espagnols. Il fut même accusé d’avoir des liaisons secrètes avec quelques-uns des principaux de la nation. On alla jusqu’à dire qu’il inspiroit des sentiments peu favorables au prince des Asturies, dont il étoit gouverneur, pour le cardinal. Il y eut cependant lieu de croire dans les suites qu’ils s’étoient raccommodés.

Malgré le grand pouvoir d’Albéroni, malgré le respect que la cour de Rome a toujours témoigné pour les ministres en faveur, en quelque cour que ce soit, on peut encore ajouter malgré la déclaration publique de ce cardinal pour la constitution et contre les maximes de France, le pape continuoit à lui refuser les bulles de Séville. Ce refus étoit fondé en apparence sur les raisons de se plaindre du gouvernement d’Espagne, en effet sur la crainte de déplaire aux Allemands. Albéroni même n’eut pas lieu d’en douter, car le pape lui offrit ; secrètement de lui faire toucher les revenus de Séville s’il vouloit bien faire suspendre les instances du roi d’Espagne pour les bulles, et différer pendant quelque temps, sa translation à cet archevêché. Cette complaisance pour les Allemands, qu’Albéroni traitoit de bassesse, n’étoit