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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/415

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Acquaviva venoit de recevoir deux ordres d’Espagne qui embarrassoient le pape : l’un de lui déclarer que, s’il accordoit au marquis de Sainte-Croix les honneurs de grand d’Espagne dont l’empereur lui avoit nouvellement conféré le titre, Sa Majesté Catholique regarderoit cette complaisance comme un nouveau sujet de dégoût et de plainte l’autre regardoit l’ordre que le roi d’Espagne avoit donné au cardinal del Giudice d’ôter de dessus la porte de son palais les armes d’Espagne qu’il y avoit, comme étant de la faction d’Espagne. Le pape avoit montré de la pente à favoriser ce cardinal. Il entroit dans les plaintes qu’il faisoit de la malice d’Albéroni et d’Acquaviva, et les accusoit de s’être liés ensemble pour attaquer son honneur et sa fidélité, et disoit qu’après avoir fait ses efforts de se procurer le repos, il tâcheroit enfin de se faire entendre, si ses ennemis prétendoient le pousser à bout. Pour se venger d’Albéroni, il se déchaînoit contre la chimère de ses projets qui embraseroient l’Italie sans fruit pour le roi d’Espagne, parce que, la France qui, à quelque prix que ce fût, vouloit conserver la paix, n’entreroit pas dans ses desseins. Tandis que d’intelligence avec le régent, il vendoit son maître pour l’obliger à confirmer ses renonciations à la couronne de France, Acquaviva, non moins ardent de son côté, accusoit Giudice de s’entendre, avec la France par le cardinal de La Trémoille qui avoit été longtemps son plus intime ami. Il sut en effet par cette voie que Giudice avoit écrit au régent qu’il l’avoit supplié d’envoyer et d’appuyer auprès du roi d’Espagne la lettre qu’il écrivoit à ce monarque pour lui rendre compte de sa conduite et se justifier des accusations faites contre lui. Le sentiment d’Acquaviva étoit de lui renvoyer sa lettre sans l’ouvrir et passer en même temps un décret dans les conseils d’Espagne pour le déclarer coupable de désobéissance, et l’arrêter si jamais il étoit trouvé en pays de l’obéissance du roi d’Espagne. Comme la haine d’un Italien ne se borne pas aisément, Acquaviva vouloit que toute la famille