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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/416

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de Giudice se ressentît de sa faute. Il proposa de procéder directement contre Cellamare, protestant cependant par bienséance qu’il ne pouvoit lé croire capable de manquer de fidélité, quoique son oncle fût dans la disgrâce, et qu’il attendît tout son bien de la part de la France. Après les avoir attaqués l’un et l’autre sur l’honneur, la fidélité, les qualités les plus essentielles, il continua d’attaquer encore Giudice sur des sujets moins importants. Il prétendit qu’ayant passé quelques jours à la campagne avec don Alexandre Albane, il l’avoit trouvé persuadé que Giudice étoit l’auteur des mauvais offices qu’on lui avoit rendus auprès du pape, à l’occasion de quelques galanteries avec la connétable Colonne. La guerre étoit devenue plus vive entre elle et la princesse de Carbognano, et l’extravagance de ces deux femmes préparoit Acquaviva au plaisir de voir entre elles des scènes dont Giudice et son neveu le prélat seroient les victimes, parce que le pape, suivant sa coutume, après avoir été mécontent de ses, neveux se raccommodoit facilement avec eux.

Giudice, de son côté, tâchoit d’inspirer à la cour d’Espagne des soupçons sur la fidélité d’Acquaviva. Un de ses neveux dans la prélature parut à un bal que donnoit l’ambassadeur de l’empereur ; cela donna lieu à Giudice de publier qu’il y avoit bien des réflexions à faire sur l’inclination que de tout temps Acquaviva avoit témoignée pour le parti impérial, et sur les sentiments qu’il conservoit, quoique les instances qu’il avoit faites par le prince d’Avellino pour se réconcilier avec la cour de Vienne n’eussent pas été admises. Albéroni se défioit presque également de ces deux cardinaux. Le caractère de son esprit et de son pays ne lui permettant pas d’avoir en qui que ce soit une confiance absolue, toute la différence qu’il mettoit entre l’un et l’autre étoit que, Acquaviva servant actuellement le roi d’Espagne et voulant obtenir des grâces pour sa famille, ménageoit le premier ministre ; qu’il ne devoit, au contraire, attendre