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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/422

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l’inconstance de la nation très conforme à son gouvernement. L’abbé Dubois se plaignoit encore à Monteléon du trop d’égard que les ministres de Hanovre avoient pour la cour de Vienne, de la faiblesse et de la variété de sentiment des ministres anglois toujours prêts à changer suivant leurs intérêts particuliers. Il lui confia que Stanhope étoit le seul qui osât présentement soutenir ouvertement les raisons de l’Espagne, et dire que l’Angleterre ne lui devoit jamais donner de justes soupçons ni sujet de mécontentement à cause des inconvénients qui pouvoient en résulter pour le commerce qui étoit l’idole de la nation.

Monteléon faisoit bon usage de ces confidences, car en les rapportant, il insinuoit sous le nom d’un autre l’avantage que le roi d’Espagne trouveroit à concilier ses intérêts avec les idées des médiateurs. Il représentoit que, si Sa Majesté Catholique pouvoit convenir d’un projet avec Nancré, assurer dans sa branche les successions de Parme et de Toscane, elle mettroit l’empereur dans son tort, parce que jamais les ministres de ce prince n’accepteroient rien de raisonnable ; qu’en ce cas l’Espagne, unie avec la France et le roi de Sicile, auroit non seulement toute la justice de son côté, mais que de plus elle emploieroit librement les armes pour forcer les Allemands à sortir d’Italie, et que l’Angleterre, perdant tout prétexte de se mêler de la querelle, seroit obligée de demeurer neutre et indifférente. Monteléon ajoutoit que, si l’Espagne vouloit faire la guerre en Italie, il seroit de la dernière importance de la commencer avant que celle de Hongrie fût achevée. Il lui conseilloit encore d’apaiser les plaintes des marchands anglois sur le commerce d’Espagne, afin d’engager la nation à s’opposer plus fortement dans les séances du parlement aux résolutions qu’on pourroit y proposer à prendre au préjudice de l’Espagne. Il soutint assez longtemps sans se rebuter les reproches d’Albéroni, et l’impatience que lui causoient des conseils si directement opposés à ses vues. Monteléon, quoique sûr de ne pas plaire, osa