Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/423

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représenter que l’abbé Dubois lui avoit répété les mêmes choses qu’il lui avoit déjà dites sur les intérêts du roi d’Espagne, qu’il continuoit à prier le cardinal Albéroni, pour le bien du service de Sa Majesté Catholique, de traiter confidemment avec Nancré comme sûr de la sincérité de ses intentions. L’abbé Dubois assuroit en même temps que Nancré avoit les instructions nécessaires pour satisfaire Sa Majesté Catholique, et pour concerter avec elle les moyens d’employer la force, si Vienne rejetoit les conditions qu’on avoit jugé à propos de lui proposer. Monteléon tâcha de faire voir que la conjoncture étoit d’autant plus favorable et d’autant plus précieuse à ménager qu’il venoit d’apprendre de l’abbé Dubois que depuis peu de jours les ministres d’Angleterre commençoient enfin à comprendre qu’ils ne devoient espérer de la part de l’empereur aucun accommodement raisonnable. Il laissoit donc envisager l’avantage que l’Espagne retireroit de la complaisance qu’elle auroit témoignée à la France et à l’Angleterre, si le roi d’Angleterre, justement irrité des tours et des refus de la cour de Vienne, laissoit agir le roi d’Espagne et ses alliés.

Le duc de Lorraine, si anciennement, si particulièrement, si totalement attaché à la maison d’Autriche, étoit le prince qu’on ne pouvoit douter qu’elle eût en vue de préférer pour la succession de Parme et de Toscane, quoiqu’elle ne laissât pas de leurrer le duc de Modène de cette expectative. Penterrieder, à Londres, parloit plus franchement à l’envoyé de Sicile, à qui il dit que son maître ne devoit compter sur l’empereur qu’autant qu’il lui restitueroit le bien qu’il lui détenoit, la Sicile, qui étoit un royaume uni à celui de Naples, qui, pour leur sûreté réciproque, devoient être possédés par le même maître. Qu’il falloit donc de deux choses l’une, que son maître tâchât d’acquérir Naples, ou l’empereur la Sicile. Que l’Angleterre se repentoit de l’avoir procurée à son maître, et qu’elle y remédieroit si ce prince, si habile, ne savoit pas se faire un mérite d’une chose qu’il