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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/427

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se retirer si l’escadre avoit ordre de passer dans la Méditerranée.

Malgré sa résistance conforme aux intentions et aux ordres qu’il recevoit d’Albéroni, il étoit intérieurement persuadé que les conseils de Stanhope étoient bons, mais il n’osoit ni l’avouer ni laisser croire en Espagne que ce fût son sentiment. Il biaisoit pour ne pas déplaire, et sa ressource étoit de représenter dans toute sa forcé, même d’ajouter à ce que Stanhope pouvoit lui dire, pour faire comprendre que le roi d’Espagne prendroit un mauvais parti s’il rompoit avec le roi d’Angleterre et s’il refusoit de souscrire au traité. Stanhope assura que l’empereur ne l’accepteroit pas ; il dit même qu’il pourroit arriver que ses ministres s’expliqueroient en termes durs et désagréables ; que le refus de la cour de Vienne précéderoit peut-être la réponse du roi d’Espagne. Monteléon ne perdit pas cette occasion de représenter à Albéroni que, si le roi d’Espagne suspendoit au moins sa réponse jusqu’à ce qu’on sût en Angleterre le refus de l’empereur, il pourroit profiter de la dureté de la cour de Vienne pour engager la France et l’Angleterre à se joindre à l’Espagne et prendre de concert les mesures nécessaires pour assurer la tranquillité de l’Europe.

L’abbé Dubois comptoit d’avoir fait beaucoup, et, comme disoit Monteléon, d’avoir surmonté les mers et les montagnes en réduisant l’Angleterre à consentir à la disposition des successions de Parme et de Toscane en faveur des descendants de la reine d’Espagne. En effet, cette disposition étoit la seule du projet dont l’empereur pût être blessé. L’idée d’ériger la Toscane en république, si désirée des Florentins, n’auroit pas été contredite à la cour de Vienne, mais le projet dont l’empereur étoit le plus flatté étoit celui d’assurer la Toscane au duc de Lorraine pour l’indemniser du Montferrat donné par les alliés au duc de Savoie pendant la dernière guerre, dont l’empereur avoit promis un dédommagement au duc de Lorraine, reconnoissant comme valables