Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/433

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touché des attentions du czar que de tout ce qu’il pouvoit attendre de la part de la France et de l’Angleterre, qui véritablement ne marquoient pas pour lui les mêmes égards. Le régent avoit cependant employé les offices du roi et les siens auprès du roi de Suède, pour procurer au roi de Prusse la paix aux conditions qu’il désiroit. Mais de simples instances sans effets ne suffisoient pas pour contenter la cour de Berlin. Elle croyoit que rien ne se feroit en France que par la direction de l’Angleterre, et que les confidences faites à Son Altesse Royale étoient des confidences faites aux Anglois.

Le roi de Prusse, se croyant donc sûr du czar, et persuadé qu’il ne feroit point de paix séparée, perdit la pensée qu’il avoit eue d’envoyer un ministre à Stockholm ; mais avant de l’abandonner, les ministres apparemment l’avoient laissé pénétrer, car il eut peine à dissiper les bruits qui se répandirent de la destination du baron de Kniphausen pour cette commission. Il n’oublia rien pour effacer les soupçons que le czar, qu’il vouloit ménager, pouvoit concevoir de cet envoi. Il fit à peu près les mêmes diligences auprès du régent pour le détromper de cette opinion ; il auroit bien voulu l’engager à prendre avec lui des mesures sur les affaires de Pologne. Il craignoit l’effet des desseins que le roi Auguste avoit formés de rendre cette couronne héréditaire dans sa maison ; et comme l’assistance de la France lui paraissoit nécessaire pour les traverser, il représenta fortement l’intérêt que le roi avoit d’empêcher que l’empereur ne devînt encore plus puissant dans l’empire comme il y seroit certainement le maître lorsqu’il auroit absolument lié les maisons de Bavière et de Saxe par le mariage des archiduchesses. Il prétendoit avoir pressenti les principaux seigneurs de Pologne, et les avoir trouvés très disposés à traverser les manèges que le roi Auguste pourroit faire pour assurer la couronne héréditairement à son fils. Le roi de Prusse, pour cultiver de si bonnes dispositions, fit demander au régent