Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/434

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d’ordonner au baron de Bezenval, envoyé du roi en Pologne, de s’entendre secrètement pour cette affaire avec les ministres de Berlin. Quoique le roi de Prusse, gendre du roi d’Angleterre, dût être lié avec lui, les intérêts différents des deux maisons, ceux de leurs ministres entretenoient entre ces princes la jalousie et la défiance réciproque, et d’autant plus vivement de la part du roi de Prusse, qu’il étoit le plus foible, et que souvent il avoit lieu de croire que son beau-père le méprisoit. Il étoit persuadé que les ministres anglois et hanovriens s’accordoient dans le désir de faire la paix avec la Suède. Il croyoit qu’ils cherchoient les moyens de traiter avec elle séparément ; que, s’il étoit possible d’y parvenir, le roi d’Angleterre sacrifieroit sans peine les intérêts de son gendre aussi bien que ceux de ses autres alliés. Ainsi le roi de Prusse, qui certainement ne portoit pas trop loin sa défiance en cette occasion, se voyoit à la veille de perdre tout le fruit de ses peines et des dépenses qu’il avoit faites pour usurper, comme ses voisins, la portion qui lui convenoit des États de Suède, et profiter comme eux du malheur où elle étoit réduite.

Rien ne tenoit plus au cœur de ce prince que de conserver Stettin et l’étendue de pays qu’il avoit fixée comme le district de cette place. La France lui en avoit promis la garantie par son dernier traité avec elle ; mais il craignoit le sort ordinaire des garanties, et l’exécution de celle-ci étoit d’autant plus difficile, par conséquent d’autant plus douteuse, que l’éloignement des pays étoit grand ; qu’il n’étoit guère vraisemblable que la France voulût, pour le roi de Prusse, faire la guerre dans les extrémités septentrionales de l’Allemagne, ou l’assister longtemps de subsides suffisants pour le mettre en état de défendre ses conquêtes. Le plus sûr pour lui étoit donc d’être compris dans la paix que, suivant leurs engagements mutuels, les alliés du nord devoient faire avec la Suède ensemble et de concert. Pour cet effet, n’osant se reposer sur la foi douteuse de son beau-