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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/438

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de Bavière devenoit l’ennemi, lequel dissimuloit son dépit de ne pouvoir obtenir pour le prince électoral son fils une des archiduchesses, porté d’ailleurs pour les intérêts du roi d’Espagne. Ce fut un grand sujet de joie pour Beretti de recevoir dans ces circonstances un projet dressé par la compagnie des Indes occidentales de Hollande pour convenir avec le roi d’Espagne d’un nouveau règlement à faire sur le commerce que les directeurs de cette compagnie croyoient également avantageux de part et d’autre. Ils demandoient le secret, et Beretti regardoit comme une victoire d’accoutumer les Hollandois à s’approcher des Espagnols, soit pour le commerce, soit pour le militaire, persuadé que quelque jour les effets en seroient très utiles à l’Espagne.

Monteléon, qui connoissoit à quel point Albéroni étoit éloigné du projet et de la paix, et qui n’osoit lui déplaire, craignoit une rupture avec l’Angleterre, et continuoit sa même adresse de représenter au premier ministre sous le nom de l’abbé Dubois, ce qu’il lui avoit dit ou ce qu’il supposoit qu’il en avoit appris, n’osant hasarder ses représentations sous le sien. Il assura donc Albéroni qu’il savoit positivement de cet abbé que la cour de Vienne n’accepteroit pas le projet, qu’elle se tiendroit même offensée de la proposition que le roi d’Angleterre lui en avoit faite. L’abbé Dubois prétendit même qu’il avoit déjà fort pressé le roi d’Angleterre et les ministres anglois particulièrement Stanhope, d’employer enfin la force pour arrêter l’humeur ambitieuse de l’empereur, l’unique moyen d’empêcher qu’il ne mît l’Europe en feu étant que la France, l’Espagne et l’Angleterre unies ensemble, prissent des mesures pour s’y opposer. Monteléon ajouta qu’il savoit, mais sous le secret et par un effet de la confiance intime que l’abbé Dubois avoit en lui, qu’il gagnoit du terrain peu à peu, mais qu’enfin ce progrès seroit inutile si l’Espagne, de sort côté, ne s’aidoit ; qu’elle devoit se conformer à la constitution délicate, extravagante et presque inexplicable du gouvernement d’Angleterre, et faciliter au ministère