Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/439

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anglois le moyen de se déclarer à découvert contre la cour de Vienne. Ce moyen étoit que le roi d’Espagne fit voir qu’il ne prenoit pas en mauvaise part, et qu’il ne méprisoit pas les conditions du projet communiqué par l’Angleterre. Que, si Sa Majesté Catholique y trouvoit des difficultés, elle pouvoit les représenter, mais sans rompre les liens d’amitié et de confiance avec le roi d’Angleterre ; qu’elle devoit, au contraire, pour son intérêt laisser une porte ouverte aux expédients sans déclarer une volonté déterminée de vouloir la guerre à toute force ; que cette conduite prudente seroit totalement contraire à la négative hautaine et absolue que les ministres anglois attendoient de Vienne ; qu’ainsi le roi d’Espagne mettroit cette cour dans son tort, et qu’il engageroit la nation anglaise en général à se déclarer pour lui ; que le ministère anglois, animé déjà contre les Impériaux, agiroit contre eux plus librement lorsqu’il croiroit le pouvoir faire avec sûreté ; qu’il étoit encore dans la crainte, parce que, s’il paraissoit porté pour l’Espagne sans avoir de sujet évident de se plaindre de l’empereur, les whigs mécontents, qui parloient alors en faveur de cette couronne, changeroient aussitôt de langage et de sentiment.

Ces discours vrais ou supposés que Monteléon mettoit dans la bouche de l’abbé Dubois, étoient tirés, disoit-il, de ses conversations avec les ministres anglois, et croyant ces considérations importantes, cet abbé l’avoit prié de ne pas perdre un moment à les faire savoir au roi son maître. Toutefois cet ambassadeur, quoique prévenu de l’importance dont il étoit de faire tomber sur la cour de Vienne la haine du refus, et persuadé de la nécessité de conserver une bonne intelligence avec la cour d’Angleterre, n’avoit osé différer de présenter le mémoire qu’Albéroni lui avoit ordonné de remettre aux ministres d’Angleterre au sujet de l’escadre anglaise destinée pour la Méditerranée. Le seul effet de ce mémoire fut d’exercer à Londres les raisonnements des politiques ; d’ailleurs, il ne suscita pas le moindre obstacle aux