Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/452

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l’opposition que Sa Majesté Catholique, entraînée par son ministre, témoignoit pour le projet que la France et l’Angleterre lui proposoient. Cellamare, suivant les ordres du roi son maître, ne perdoit aucune occasion de parler contre ce traité. Il disoit qu’il ne comprenoit pas que les ministres de France eussent pu seulement l’examiner. Il attaquoit la disposition faite de la Sicile comme une clause qui détruisoit absolument le fondement de la paix d’Utrecht. Stairs pour l’adoucir voulut lui faire sentir l’intérêt que les Napolitains, dont les biens étoient confisqués par l’empereur, trouveroient à la conclusion d’un traité où la restitution réciproque des confiscations seroit stipulée comme un des principaux articles ; mais Cellamare étoit trop délié pour témoigner inutilement, avant que la paix fût faite, la satisfaction qu’il auroit de rentrer par cette voie dans la jouissance de ses biens. Il se plaignit au contraire plus fortement et de la négociation et du mystère que l’on faisoit au roi d’Espagne de ce qui se passoit dans le cours d’une affaire où ce prince avoit tant d’intérêt. On commençoit à parler d’une rupture prochaine entre la France et l’Espagne. Cellamare dit qu’il n’étoit pas inquiet de ces bruits, mais qu’il voyoit avec déplaisir que le fondement de ces discours, si éloignés des sentiments du roi et de la nation française, et si éloignés des intérêts de Sa Majesté, étoit la crainte excessive que le gouvernement avoit de se trouver engagé dans une guerre nouvelle ; que cette crainte étoit cause que le régent se rendoit sourd à toutes les représentations tendantes à l’engager à prendre les armes. Il ajoutoit qu’il étoit à craindre que Son Altesse Royale, agissant sur ce principe, n’offrît aux Anglois des choses aussi peu convenables à son propre honneur qu’elles seroient contraires aux intérêts de l’Espagne ; que celui de M. le duc d’Orléans étoit de ne pas s’opposer aux desseins que Sa Majesté Catholique pouvoit former contre les ennemis communs si naturels de sa maison, et de laisser à ce prince le moindre lieu de soupçonner que les