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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/453

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sentiments de Son Altesse Royale à son égard ne fussent pas sincères.

Suivant les instructions d’Albéroni, Cellamare traitoit de pot-pourri le traité fait à Londres. Il se flattoit même d’avoir obligé le maréchal d’Huxelles à convenir de l’importance dont il étoit de ne pas altérer par quelque résolution imprudente, et par le désir singulier de soutenir, au préjudice du roi d’Espagne, des projets avantageux à l’empereur, l’union qu’il étoit si nécessaire à maintenir entre les François et les Espagnols. Après cet aveu du maréchal d’Huxelles, Cellamare lui dit qu’on prétendoit que l’abbé Dubois et Chavigny, engoués tous deux de leurs négociations, travailloient à les soutenir par la violence ; que leur vue étoit d’unir le régent au roi d’Angleterre, dont le procédé devenoit de jour en jour plus suspect au roi d’Espagne ; que cette union n’empêcheroit pas cependant que la réception favorable que Nancré avoit eue à Madrid ne fût suivie de toutes sortes de bons traitements, quoique d’ailleurs le roi d’Espagne eût lieu de juger que cet envoyé étoit chargé de propositions peu agréables à Sa Majesté Catholique. Pendant que l’ambassadeur d’Espagne s’expliquoit ainsi à celui qui devoit en rendre compte au régent, il parloit avec moins de modération aux différents ministres que les princes d’Italie entretenoient à Paris. Il leur disoit que le roi son maître détestoit la chaîne qu’on prétendoit imposer à leurs souverains ; que les propositions de la France seroient mal reçues à Madrid ; que l’espérance de la succession de Parme étoit méprisée du roi et de la reine d’Espagne ; que l’un et l’autre avoient en horreur le projet de remettre la Sicile entre les mains des Autrichiens, et que Leurs Majestés Catholiques regardoient la proposition de laisser le reste de l’Italie en l’état où elle se trouvoit lors comme pernicieuse. Il gémissoit ensuite, soit avec ces ministres, soit avec d’autres, sur ce que la France vouloit la paix à quelque prix que ce fût, parce que le régent la croyoit nécessaire pour la validité des renonciations.