Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/456

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il disoit qu’il satisfaisoit au moins à son honneur et montroit le chemin aux autres princes ; il laissoit échapper des menaces contre ceux qui, après coup, se voudroient joindre à Sa Majesté Catholique ; il ajoutoit que la guerre n’étoit point de son goût, et qu’il en avoit de bons témoins, et se faisoit un mérite de toutes les iniquités qu’il attiroit sur soi par le seul zèle de bien servir son maître. C’étoit par ce zèle qu’il traitoit le traité de chimérique, les conditions d’impossibles, et qu’il s’étonnoit que l’abbé Dubois eût pu penser que l’Espagne donnât dans des absurdités pareilles, et pût compter sur le frivole de garanties dont on la leurroit. Il dit au colonel Stanhope qu’il croyoit de la prudence de faire quelquefois des réflexions sur les variations du gouvernement d’Angleterre, fondées sur ses discussions domestiques et sur le changement de tout le ministère et de tous ses principes, comme il étoit arrivé à l’avènement et à la mort de la reine Anne, d’où il concluoit qu’on ne pouvoit jamais compter de sa part sur rien de solide ni de durable. Il déclamoit contre la mauvaise foi de la France et de l’Angleterre, convenues de tout, selon lui, avec l’empereur depuis longtemps, dont les offices à Vienne n’étoient que grimaces concertées ; que ce projet, communiqué si tard à l’Espagne, et encore par parties, étoit si peu secret, que toute la teneur en avoit été écrite depuis longtemps de Venise et de Rome, jusque-là qu’une gazette de Florence s’en étoit moquée et s’en étoit expliquée fort nettement ; de là Albéroni s’exhaloit en invectives sans mesures, en menaces figurées et en d’autres plus ouvertes, pleines de vanteries, sur la bonté du gouvernement qu’il avoit établi et le grand pied où il étoit venu à bout de remettre l’Espagne ; il finissoit par des avertissements très malins et menaçants pour M. le duc d’Orléans.

Nancré s’étoit alors expliqué sur tous les points de sa commission ; Albéroni appela cela avoir enfin vomi tout ce qu’il avoit apporté, digéré et non digéré après un long secret. Il