Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/458

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

armes, cette voie étant la seule dont les rois doivent se servir, et laisser l’imposture aux âmes viles. Il triompha ensuite de désintéressement et de désir de tout sacrifice personnel, mais en déclarant que, l’outrage étant fait aux justes droits de la couronne d’Espagne, le roi catholique les soutiendroit avec la dernière vigueur. Parmi tant de divers emportements, Albéroni traitoit Nancré avec tant de distinction et d’apparente confiance, que ceux qui ne voyoient que ces dehors croyoient que la négociation faisoit de grands progrès. On voyoit néanmoins les préparatifs de guerre pressés avec plus de diligence que jamais, et que les discours des gens qui pouvoient être instruits ne tendoient nullement à la paix.

Castañeda, chef d’escadre, envoyé depuis quelque temps en Hollande, pour y acheter des vaisseaux pour l’Espagne, reçut de nouveaux ordres d’en revenir. Albéroni avoit besoin de lui pour l’exécution de ses desseins, et fatigué des difficultés qui, malgré la confiance de Beretti, retardoient toujours cette affaire, le cardinal dit qu’il n’en avoit plus besoin, et que l’Espagne avoit assez de navires pour se faire respecter dans la Méditerranée, résolue, à quelque prix que ce fût, d’assurer l’équilibre de l’Europe ou de la mettre toute en combustion. Outre les ministres impériaux, ceux d’Angleterre et de Portugal, quoique sans guerre, avoient traversé tant qu’ils avoient pu l’achat des vaisseaux. Beretti ne s’en étoit pas moins vanté comme on l’a vu ; il voulut même prendre à bon augure la nomination qui fut faite de députés pour examiner cette affaire, et dit à Castañeda, qui en jugeoit bien plus sainement, que c’étoit par le peu d’usage qu’il avoit de la forme du gouvernement de Hollande. L’armement de cette république pour la Baltique étoit encore incertain ; mais celui de l’escadre anglaise pour la Méditerranée étoit public avec sa destination pour cette mer, surtout depuis les menaces de Monteléon là-dessus. Les ministres d’Espagne ne savoient quel parti le régent prendroit en