Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/459

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cette occasion pour ou contre leur maître, ou s’il demeureroit neutre, et Beretti se plaignoit amèrement du silence de Madrid, et de se trouver en des conjonctures si difficiles sans ordres et sans instructions. Monteléon dans Londres n’en recevoit pas plus que lui à la Haye. Albéroni désiroit peut-être qu’ils fissent des fautes, et croyoit utile de conserver la liberté de désavouer les ministres d’Espagne, et les engagements qu’ils auroient pris quand il lui plairoit de le faire ; il ne s’étoit encore expliqué précisément que sur l’envoi de l’escadre anglaise, parle mémoire qu’il avoit fait présenter par Monteléon. La cour et ses partisans affectoient de souhaiter la paix, et répandoient dans le public que l’envoi de cette escadre n’avoit d’autre objet que de faire valoir la médiation de l’Angleterre, et de procurer plus aisément par là une tranquillité générale. Ceux qui étoient opposés à la cour de tout parti favorisoient l’Espagne, pour contredire Georges et ses ministres. Les négociants étoient alarmés dans la vue de l’interdiction prochaine de leur commerce. Monteléon, parmi ces différentes dispositions, continuoit de conseiller de faire tomber sur la cour de Vienne le blâme du refus des conditions du traité, en différant une réponse absolument négative, et se contentant, en attendant la réponse de Vienne, de représenter doucement les inconvénients de ces conditions. Lui-même agissoit dans cet esprit auprès de l’abbé Dubois, et il interprétoit en mal tout ce que l’empereur faisoit dire par le roi d’Angleterre, tendant au refus ou à l’acceptation. On savoit qu’il y avoit à Vienne des émissaires du roi de Sicile, qui traitoient avec le prince Eugène fort secrètement, et la négociation passoit pour avancée. Schaub voulut demander quelque éclaircissement là-dessus, mais il n’en put tirer d’autre sinon que la négociation existoit. Monteléon n’oublia rien pour rendre les Impériaux suspects à Londres et à l’abbé Dubois quelque parti qu’ils prissent de refuser ou d’accepter. Il voyoit souvent l’abbé Dubois même avec une sorte de confidence. Cet abbé