Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
grâces de M. le duc d’Orléans. — Retour de Hongrie des François. — Mort du duc de Ventadour ; extinction de son duché-pairie. — Mort de Moncault. — J’achète pour mes enfants deux régiments de cavalerie. — Abbé Dubois repasse en Angleterre. — Peterborough arrêté dans l’État ecclésiastique.


Le comité qui s’assembloit plusieurs fois la semaine pour les finances alloit son train. Le duc de Noailles y montra, comme il voulut, l’état présent des finances, en exposa les embarras, y présenta des expédients, lut des mémoires. J’étois là, comme on l’a vu, malgré moi, et cette langue de finance dont on [a] su faire une science, et, si ce mot se peut hasarder, un grimoire, pour que l’intelligence en soit cachée à ceux qui n’y sont pas initiés, et qui, magistrats et traitants, banquiers, etc., ont grand intérêt que les autres en demeurent dans l’ignorance ; cette langue, dis-je, m’étoit tout à fait étrangère. Néanmoins ma maxime constante ayant toujours été que l’humeur doit être toujours bannie des affaires autant que l’acception des choses et des personnes et toute prévention, j’écoutois de toutes mes oreilles, malgré mon dégoût de la matière, et ce que je n’entendois pas, je n’étois pas honteux de le dire et de me le faire expliquer. C’étoit le fruit de l’aveu de mon ignorance en finances, que j’avois fait si haut et si clair en plein conseil de régence, lorsque je m’excusai d’être de ce comité, et que le régent finit par me le commander.

Il arriva assez souvent qu’y ayant diversité d’avis, quelquefois même assez vive, je me trouvai de celui du duc de Noailles, et que je disputai même assez fortement pour le soutenir. Le chancelier ravi m’en faisoit compliment après ; et M. le duc d’Orléans, à qui l’un et l’autre le dirent, et qui avoit remarqué la même chose quelquefois au conseil de régence, les assura qu’il n’en étoit point surpris, et ne laissa pas de m’en marquer sa satisfaction. Je lui dis, et au chancelier, que l’avis du duc de Noailles, bon ou mauvais, et sa personne, étoient pour moi deux choses absolument distinctes