Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/126

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au roi de Danemark, dont il faisoit opiniâtrement le siège à la tête de dix-huit cents à deux mille hommes. Il étoit allé la nuit aux travaux avec un aide de camp et un page pour toute suite, et regardant, au clair de la lune, entre deux gabions, un boulet perdu lui fracassa le menton et l’épaule, et le tua roide. Il n’avoit que trente-sept ans et n’avoit point été marié.

Ce funeste accident enleva un héros à l’Europe et à la Suède un fléau [1]. Le roi son père en avoit été un obscur, qui avoit désolé son royaume, ruiné les lois, abattu le sénat, anéanti l’ancienne noblesse avec tout l’artifice et l’acharnement des tyrans les plus détestés. Aussi mourut-il jeune et empoisonné dans de longues et cruelles douleurs. La fin du roi, son fils parut aux Suédois une autre délivrance, dont ils surent profiter pour se relever de leur dégradation domestique, en attendant que les années et la suite des temps d’un gouvernement plus sage prit relever les affaires du dehors, qui pour le présent paraissoient sans ressource. Ils commencèrent par se remettre en possession de leur droit d’élire leurs rois qu’ils avoient perdu d’effet, il y avoit près d’un siècle, et depuis par une renonciation expresse que le père du roi qui venoit de mourir leur avoit extorquée.

Charles XII, unique mâle de sa branche, avoit eu deux sœurs. L’aînée, qui étoit morte veuve du duc de Holstein, tué en une des premières batailles du roi du Suède, avoit laissé des enfants, dont l’aîné duc de Holstein étoit au siège de Frédéricshall. Ulrique, l’autre sœur, avoit épousé le fils du landgrave de Hesse qui étoit aussi à ce siège. C’est le même qui servit longtemps dans les troupes de Hollande, qui fit contre la France toute la guerre qui a fini par la paix d’Utrecht, qui perdit en Italie un grand combat contre Médavy quelques jours après la bataille de Turin, et qui commandoit l’armée que le maréchal de Tallard battit à Spire.

  1. Voyez la Note publiée à la fin du t. XIV.