Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

par une lettre de cachet, de sortir incessamment du royaume, et défense en même temps d’aller en Espagne. Il étoit colonel réformé, et comme il avoit de l’esprit et du sens, il étoit bien reçu dans les meilleures compagnies, et avec cela fort honnête homme quoique ami intime d’Albéroni. Il étoit pauvre et de Bologne, où il avoit plusieurs frères et un à Rome, fort distingué dans la prélature, qui à la fin est devenu cardinal. Il y a deux familles Monti, qui ne sont point parentes : l’une ancienne et fort noble, l’autre qui n’est ni l’un ni l’autre, dont étoit celui dont il s’agit ici. Son mérite, et des hasards qui dépassent de beaucoup le temps de ces Mémoires, lui procurèrent des emplois fort importants au dehors et un très principal lors de la seconde catastrophe du roi Stanislas en Pologne, dont il s’acquitta très judicieusement [1]. Il y avoit la disposition de grandes sommes fournies par la France, dont il rapporta plus d’un million, qu’il pouvoit très aisément s’approprier sans qu’on en pût avoir nulle connoissance. Le ministère même fut très agréablement surpris de revoir ce million, auquel il étoit bien loin de s’attendre. Monti, qui avoit déjà le régiment Royal-Italien, fut fait chevalier de l’ordre, mais ce fut tout. On le laissa mourir de faim, et il en mourut en effet peu après, quoique en grande considération et en grande estime. Le ministère lui parloit même quelquefois des affaires. Il étoit encore dans la force de l’âge quand il mourut de déplaisir de sa misère, et n’avoit point été marié. Il fut fort regretté et mérita de l’être.

M. de Laval, dit la Mentonnière, d’une blessure qu’il avoit reçue au menton, qui lui en faisoit porter une par besoin ou pour se faire remarquer, fut mis à la Bastille. Cette détention renouvela très vivement et d’une façon marquée les

  1. On trouvera dans la note sur Charles XII, publiée à la fin du t. XIV, quelques détails sur ce Monti, qui avait été employé dans les négociations d’Albéroni. La date de sa mort est aussi indiquée dans cet extrait des Mémoires inédits du marquis d’Argenson.