que m’a conté à moi-même le cardinal de Rohan, et que les jésuites, dont ce compère étoit parvenu par ses intrigues à s’en faire craindre et ménager, n’osaient souffler. Ce que j’ai admiré, c’est que, depuis que le cardinal de Rohan m’eut fait ce récit et que Lafitau fut évêque, il le fit prêcher un carême devant le roi, qui alors étoit à Versailles. L’abbé Dubois découvrit que Lafitau le trahissoit au lieu de le servir. Il n’osa éclater, dans l’état douteux où il étoit encore, contre un homme à tout faire et qui avoit son secret ; mais il songea à l’éloigner de Rome sans le rapprocher de Paris, et le tenir ainsi à l’écart. C’est ce qui lui fit donner l’évêché de Sisteron, à son extrême déplaisir. Il se plaignit amèrement. Il lui fâchoit beaucoup de cesser d’être personnage et libertin à son gré pour un aussi petit morceau et si reculé. Aussi voulut-il refuser ; mais il fut apaisé à force d’espérances, et quand il fut à Sisteron on l’y laissa. Les jésuites, dont la politique ne veut point d’évêques de leur compagnie, firent aussi les fâchés, mais dans le fond bien aises d’être défaits d’un drôle qui avoit su gagner l’indépendance et leur forcer la main. Avranches fut donné à un frère de Le blanc, secrétaire d’État, qui étoit moine et curé de Dammartin.
CHAPITRE XIV.