La banque de Law et son Mississipi étoient lors au plus haut point. La confiance y étoit entière. On se précipitoit à changer terres et maisons en papier, et ce papier faisoit que les moindres choses étoient devenues hors de prix. Toutes les têtes étoient tournées. Les étrangers envioient notre bonheur, et n’oublioient rien pour y avoir part. Les Anglois même, si habiles et si consommés en banques, en compagnies, en commerce, s’y laissèrent prendre, et s’en repentirent bien depuis. Law, quoique froid et sage, sentit broncher sa modestie. Il se lassa d’être subalterne. Il visa au grand parmi cette splendeur, et plus que lui, l’abbé Dubois pour lui, et M. le duc d’Orléans ; néanmoins il n’y avoit aucun moyen pour cela qu’on n’eût rangé deux obstacles la qualité d’étranger et celle d’hérétique, et la première ne pouvoit se changer par la naturalisation sans une abjuration préalable. Pour cela il fallut un convertisseur qui n’y prît pas garde de si près, et duquel on fût bien assuré avant de s’y commettre. L’abbé Dubois l’avoit tout trouvé, pour ainsi dire, dans sa poche. C’étoit l’abbé Tencin que le diable a poussé depuis à une si étonnante fortune (tant il est vrai qu’il sort quelquefois de ses règles ordinaires pour bien