Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/325

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pour la guerre des Mores, et depuis leur expulsion, souvent encore sous prétexte de leur faire la guerre en Afrique. Comme l’Espagne y a toujours eu quelques places, qui ont soutenu des sièges sans fin, parce que les Mores n’entendent rien à l’attaque des places, cette imposition, plus ou moins forte, a presque toujours subsisté et comme passé en ordinaire ; mais la surtaxe, et de la seule autorité du roi, émut le clergé et l’évêque de Murcie plus qu’aucun. C’étoit un grand homme de bien, mais de peu de lumière ; il ne crut pas pouvoir en conscience livrer au roi un bien consacré aux autels et aux pauvres. Il fit grand bruit ; il résista avec la plus grande fermeté aux ordres réitérés du roi, et comme son exemple à lui donner dans sa nécessité avoit été grand et en spectacle à toute l’Espagne, celui de sa résistance n’eut pas moins de crédit pour le refus. Le roi, embarrassé, s’écrie et menace ; Belluga, inébranlable, porta ses plaintes à Rome, et fut cause que l’affaire devint très considérable et ne put finir que par un accommodement.

Lors de son plus grand feu la promotion se fit, et Belluga, célèbre à Rome par son zèle et sa fermeté pour l’autorité du pape et pour l’immunité du clergé, y fut compris sans qu’il y eût jamais pensé. Il le montra bien ; il n’en apprit la nouvelle qu’avec surprise, et tout aussitôt déclara qu’il n’accepteroit jamais la pourpre sans la permission du roi, qu’il n’espéroit pas dans la disgrâce où il se trouvoit. En effet, le roi d’Espagne regarda la promotion de Belluga comme une injure qui lui étoit faite, et lui envoya défendre de l’accepter. Mais le refus de Belluga avoit prévenu la défense. Le pape, piqué à son tour, dépêcha un courrier à Belluga avec un bref impératif d’accepter en vertu de la sainte obéissance. Mais ce bref ne put tenter ni ébranler même ce sublime Espagnol. Il répondit modestement au bref, qu’il n’y alloit ni de