Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/388

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duré depuis, ce qui ne laisse pas de faire un vide dans une cour, en sorte qu’il cessa plus tôt qu’on ne l’avoit résolu, et que le maréchal de Villeroy n’en osa plus proposer depuis.

M. le duc d’Orléans, par sa facilité ordinaire ou pour adoucir au monde la nouvelle élévation de Law à la place de contrôleur général, fit quantité de grâces pécuniaires ; il donna six cent mille livres à La Fare, capitaine de ses gardes ; cent mille livres à Castries, chevalier d’honneur de Mme la duchesse d’Orléans ; deux cent mille livres au vieux prince de Courtenay, qui en avoit grand besoin ; vingt mille livres de pension au prince de Talmont ; six mille livres à la marquise de Bellefonds, qui en avoit déjà une pareille, et à force de cris de M. le prince de Conti une de soixante mille livres au comte de La Marche son fils, âgé à peine de trois ans ; il en donna encore de petites à différentes personnes. Voyant tant de déprédation et nulle vacance à espérer, je demandai à M. le duc d’Orléans d’attacher douze mille livres en augmentation d’appointements à mon gouvernement de Senlis, qui ne valoit que mille écus, et dont mon second fils avoit la survivance, et je l’obtins sur-le-champ.

Tout ce que je voyois de jour en jour du gouvernement et des embarquements de M. le duc d’Orléans, au dedans et au dehors, m’affligeoit de plus en plus et me convainquoit de plus qu’il n’y avoit de remède que par le conseil étroit que je lui avois proposé, tel qu’on l’a vu plus haut. Plus j’en sentois la difficulté par la légèreté de M. le duc d’Orléans et par l’intérêt capital de l’abbé Dubois si fort devenu son maître, plus j’y insistois souvent, quoique je me retirasse de tout le plus qu’il m’étoit possible, et que M. le duc d’Orléans m’y donnât beau jeu pour complaire à la jalousie de Dubois, qui craignoit tout, et moi sur tous autres. J’allai même jusqu’à presser M. le duc d’Orléans de mettre dans ce conseil étroit le duc de Noailles, Canillac, et tout ce qu’il me savoit le plus opposé, non pas que j’estimasse leur probité